La Chambre des territoires

Editorial du 27 septembre


Philippe DUPONT

Dimanche 24 septembre : un dimanche électoral pas comme les autres…

En effet, les 48 millions d’électeurs inscrits ne se sont pas déplacés vers les urnes pour la simple et bonne raison qu’ils n’étaient pas invités à le faire dans le cadre des élections sénatoriales.


Seuls 79 000 « Grands électeurs » issus après désignation, des conseils municipaux, régionaux, départementaux ou du parlement se sont rendus vers les bureaux de vote des préfectures afin de renouveler la moitié du Sénat, soient 170 sièges concernant une liste de départements allant de l’Indre et Loire aux Pyrénées Orientales, et incluant l’Ile de France et les TOM-DOM !


Des « Grands électeurs » qui pourraient rappeler ceux d’Outre-Atlantique qui élisent ensuite le Président des Etats-Unis après avoir obtenu des « mandats » de l’électeur de base…mais le processus électoral est toutefois assez différent car il est vrai que les sénateurs sont finalement élus par d'autres « élus » issus de consultation électorales précédentes et qui revêt ici un caractère obligatoire..


Hier, les 1829 candidats se présentant sur des listes composées d’autant de candidats que de sièges à pourvoir (ex 5 dans un département comme l’Essonne) ont pu être élus ou défaits avec 80 % de proportionnelle et 20 % de majoritaire.


Sur les 170 sortants, 95 ont été réélus, parfois avec une petite pincée de « suspense », tandis que 75 entrants font faire leur baptême du feu le 3 octobre sous les salons lambrissés du Palais du Luxembourg.


La majorité (de Droite) sortante menée par Gérard Larcher a été confortée même si la gauche (hors Nupes) a réussi une percée notable, tandis que les troupes Macronistes ont connu un léger reflux. Le Rassemblement national absent lors de la précédente élection compte désormais 3 élus. On a même vu un Indépendantiste néo-Calédonien l’emporter face à la seule ministre candidate du gouvernement !


Souvent la prime a joué en faveur des sortants ,  grâce à un travail parlementaire assidu et à une  présence soutenue sur le terrain, ainsi que la proximité avec les grands électeurs qui s’est avérée gagnante…


Pourtant certains observateurs continuent à critiquer ce mode de scrutin indirect qu’ils qualifient « d’entre-soi » privant le reste des électeurs de pouvoir  choisir ces représentants de la Chambre Haute. D’autres n’hésitent pas à pointer du doigt l’utilité d’une telle assemblée dont, selon eux, le mode de scrutin et sa représentation composée de notables sont purement et simplement anachroniques…


C’est vrai les clichés ont la vie dure, l’image du sénateur bedonnant et piquant un roupillon en pleine séance a longtemps été ancrée dans les esprits. L’idée de supprimer cette vénérable institution, souvent considérée comme finalement stérile (puisque c’est toujours l’autre chambre, l’Assemblée nationale qui a le dernier mot) ne date pas d’hier, en témoigne le Référendum de 1969 lancé par le Général de Gaulle (et dont le résultat négatif provoqua son départ du pouvoir).


Cependant, comme on le sait, le bicamérisme est d’usage dans la plupart des pays démocratiques, la France n’est pas une exception même si le rôle du Sénat n’est pas aussi évident que celui de l’Assemblée nationale.


La « Chambre haute » aux termes de l'article 24 de la Constitution, assure la représentation des collectivités territoriales. Avec l'Assemblée nationale (qui représente les citoyens) le Sénat vote la loi, contrôle l'action du Gouvernement et évalue les politiques publiques.


Elus pour six ans (naguère c’était neuf ans), les « Sages » du Luxembourg apparaissent donc comme des « modérés » qui contrastent quelque peu avec les « Trublions » de l’Assemblée nationale plus présents que jamais dans l’hémicycle, surtout depuis les dernières législatives et l’absence de majorité absolue…


On constate une « droite élargie aux différents courants » centristes qui possède une majorité confortable au Palais du Luxembourg, jouant avec pragmatisme une sorte de « contre-pouvoir » alors qu’elle semble de plus en plus minoritaire et totalement inaudible au Palais-Bourbon.


Point de radicalité non plus, et l’absence d’élus Insoumis et d’un nombre d’élus frontistes se comptant sur les doigts d’une main alors qu’ils sont arrivés en grand nombre dans l’autre chambre, jouant la carte de l’obstruction ou de l’immobilisme béat…


Tandis que Yael Braun-Pivet qui était rentrée dans l’histoire en devenant la première femme élue au Perchoir de l’Assemblée se voit contrainte de superviser parfois un triste spectacle de basse-politique, où la démagogie et le populisme jouent les premiers rôles.


Son confrère, Gérard Larcher, 74 ans a quant à lui, passé la moitié de son existence au Palais du Luxembourg ! Elu la première fois en 1986, il préside le perchoir du Sénat depuis 2008 (avec une parenthèse de gauche entre 2011 et 2014). Il est le second personnage de l’Etat après le Président de la République et peut assurer l’intérim du pouvoir en cas de démission ou de décès du chef de l’Etat.


Ce « Gaulliste de Gauche » malgré son physique de notable épicurien de la III ème République apparait comme « un fantassin des territoires » qui agit avec fermeté mais ouvert au dialogue  pour résoudre les problèmes du quotidien de nos concitoyens…


Néanmoins, ne rêvons pas trop non plus : au cours de la Vème République, les relations entre le Sénat et le Pouvoir n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille...

 

On se souvient d’un Gaston Monnerville, dont les relations avec le pouvoir Gaulliste ont souvent été ombrageuses. En 1962, il s’oppose violemment à l’idée d’un référendum concernant l’élection du Président de la République au Suffrage universel, dénonçant une violation de la Constitution et accusant le chef du gouvernement de « Forfaiture ».


On n’oublie pas non plus Alain Poher en 1969, qui fit campagne en faveur du « non » au Référendum et qui remplaça le Général de Gaulle après sa démission avant d’affronter au suffrage universel l’ancien Premier ministre Georges Pompidou qui finira par succéder à l’homme du 18 juin mais qui décèdera avant la fin de son mandat. Il sera alors remplacé le temps d’un intérim par le même…Alain Poher jusqu’à l’élection de Valéry Giscard d’Estaing…


Les successeurs (Monory, Poncelet) n’auront pas les mêmes ambitions politiques, tentant toutefois de « dépoussiérer » l’Institution en réduisant le temps de mandat ainsi que l’âge minimum pour pouvoir se présenter (passant de 35 à 24 ans) puis plus tard (Jean Pierre Bel) procédera au renouvellement du Sénat par moitié et non plus par tiers comme auparavant…


Parfois, le Sénat et l’Assemblée nationale peuvent se retrouver lors d’un Congrès qui les réunit à Versailles afin de procéder à des révisions constitutionnelles. Quand les élus de la Nation rencontrent les Représentants de territoires, ils se réunissent à Versailles dans la salle du Congrès et l’on peut constater avec un brin de malice que deux institutions républicaines votent au cœur de l’ancienne Capitale Royale de la France…