Ce mercredi 13 mars 2013, une fumée blanche s’échappe de la cheminée de la Chapelle Sixtine, située au cœur du minuscule état du Vatican, le message est clair :
Habemus Papam ! » (Nous avons un nouveau Pape !)
Quelques instants plus tard, l’heureux « élu » apparait sur le balcon qui domine la Place Saint Pierre où des milliers de « fidèles » sont déjà regroupés avant de l’acclamer…
Il s’agit de Jorge Mario Berdoglio, Cardinal-Archevêque de Buenos-Aires qui devient donc le 266ème Pape de la Chrétienté mais le premier pape originaire d’Amérique Latine et surtout le premier Jésuite élu…
Ce prélat Argentin dont les parents étaient d’origine Italienne est alors âgé de 76 ans et a choisi de se faire appeler « François » premier du nom, que les médias appellent par mégarde « François 1er » !
Correction faite, il restera pour la postérité seulement « François » probablement en hommage à St François Xavier, co-fondateur avec Ignace de Loyola de la « Compagnie de Jésus », à moins qu’il ne s’agisse de St François d’Assise, le « Saint des Pauvres »…. Signalons toutefois que le nouvel évêque de Rome avait un temps songer à devenir "Jean XXIV", une sorte de clin d'oeil à ce bon Jean XXIII, son prédécesseur entre 1958 et 1963, un peu "élu" par hasard et qui fut l'instigateur de "Vatican II", un vaste Conclave qui bouleversera l'Eglise mais qui sera acté par son successeur Paul VI en 1964...
Il succède ainsi à un Benoit XVI souffrant qui a préféré « abdiquer », du jamais vu depuis le Moyen-Âge, contrairement à son prédécesseur Jean-Paul II qui avait terminé son pontificat dans une lente et cruelle agonie…
A 76 ans, ce nouveau Pape âgé qui ne figurait pas forcément dans la liste des favoris à la succession Joseph Ratzinger apparait de facto comme un pape de « transition » a contrario d’un Jean-Paul II, âgé de seulement 58 ans lors de son élection, laissant alors présager un long règne…
Malgré ce relatif handicap de l’âge, le nouvel Evêque de Rome est surtout l’héritier d’une église en perte de vitesse, confrontée en outre à de multiples à de multiples scandales internes de pédophilie ou de lourds soupçons de corruption dans les plus hautes instances de l’église…
Le nouveau Pape réussit pourtant le début de son Pontificat, apparaissant moins austère que son prédécesseur et peut être plus enclin à mieux réformer une Eglise jugée hors sol et trop souvent repliée sur elle-même au XXIème siècle après avoir fermé les yeux sur les profondes réformes sociétales de la seconde moitié du XXème siècle.
L’ancien Cardinal nommé par Jean-Paul II est pris d’emblée d’une fière réformatrice, procédant à une réforme profonde de la Curie Romaine, nommant au passage plus d’une trentaine de nouveaux cardinaux, dont bon nombre sont issus des pays de l’Hémisphère et s’attaque à la réforme du Code pénal du Vatican, critiqué pour avoir couvert les précédentes dérives citées plus haut..
En outre, François introduit dans les lois de la cité Papale, la notion de crime concernant la torture, le génocide et la discrimination raciale. Sans oublier de vouloir réformer la Banque Vaticane…
Il n’hésite pas non plus à relancer l’idée de « justice sociale », la défense du combat écologique, le soutien aux migrants ou encore la dénonciation de la misère économique…
Pas sûr que tous les combats menés séduisent complètement les hautes instances du Vatican, dont l’esprit conservateur reste fort notamment sur la question du mariage des prêtres, l’homosexualité ou l’avortement, des thèmes que le nouveau pape a remis à l’ordre du jour avant de mesurer ses propos conciliants…
Et puis, il s’engage dans un dialogue inter-religieux, notamment avec l’Eglise d’Orient, dont le lien est rompu avec le Catholicisme Romain depuis le Schisme de 1054, il rencontre Cyrille, le Patriarche de Moscou en 2016, œuvrant pour une réconciliation certaine avant de ne plus donner suite, surtout depuis que le même Cyrille est devenu l’un des plus ardents défenseurs de Poutine tandis que François apporte un soutien sans faille aux Ukrainiens…
Le pèlerin voyageur François n’oublie pas également de dialoguer avec les communautés Musulmane et Juive se rendant même dans des terres du Proche et du Moyen-Orient ou d’Asie Mineure comme avait commencé à le faire son prédécesseur…
Au coeur de certaines polémiques
A l'instar de son prédécesseur , l'actuel Pape n'échappe pas à certaines polémiques concernant son passé en Argentine: alors que Benoit XVI était accusé d'avoir adhéré aux Jeunesses Hitlériennes en Allemagne, le voilà quant à lui soupçonné d'avoir fermé les yeux sur les exactions de la Junte Argentine qui a sévi entre 1976 et 1983, voire même entretenu des liens étroits avec une dictature qui a causé la disparition de 30 000 personnes, du meurtre de 15 000 opposants politiques et de l’emprisonnement de 9 000 autres.
Mais c'est sur un dossier bien précis, celui de la disparition de deux jésuites exerçant dans les bidonvilles de la Capitale Argentine et dont il était le supérieur hiérarchique et dont il avait ordonné de quitter les lieux, certains y ont vu une forte pression du pouvoir qui voyaient dans les deux hommes des opposants dangeureux tandis que d'autres l'accusent de les avoir livrés, provoquant de fait leur élimination mais ces accusations n'ont pas pu être prouvées, tandis que lui se défen en affirmant au contraire d'avoir tenté de les sauver...
Et la France dans tout ça ? Est-elle toujours la « fille ainée de l’Eglise » ? Oui, selon le Saint-Père mais pas la plus fidèle. Il y a plein longtemps que notre cher et vieux pays a entamé sa « déchristianisation », depuis les années 50 et a vu ses églises non seulement « se vider » peu à peu mais en outre à se retrouver en pénurie de prêtres pour cause de crise des vocations, lié en partie au célibat imposé version chasteté, des rémunérations chiches liées au denier du culte, sauf pour les prêtres d’Alsace-Moselle qui, annexés par l’Empire Allemand lors de la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905 et dont le statut n’a pas été révisé depuis qu’elle est redevenue française après le Traité de Versailles continuent d’avoir un statut de fonctionnaire.
D’où le recours à de nombreux prêtres francophones venus d’Afrique et le constat d’un âge avancé du reste du clergé (plus de la moitié ont plus de 75 ans).
Mais on le sait, le plus grand problème du clergé français en déclin est aggravé par les récentes révélations-choc contenues dans le « Rapport Sauvé » du nom du sociologue qui a dirigé une commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise depuis 1950 et où il conclut que plus de 330 000 mineurs ont été sexuellement agressés par des prêtres ou autres religieux, sur fond « d’omerta » ou de minimisations des actes commis par la plus haute hiérarchie.
On se souvient de la chute d’un Cardinal Barbarin, Archevêque de Lyon, contraint à la démission car accusé d’avoir « minimisé » les exactions d’un prêtre de la Drôme, le Père Preynat, déjà « couvert » par tous ses prédécesseurs. Bien que relaxé, le Primat des Gaules a vu sa démission confirmée par François mais après une longue réflexion…
En France, c’est un mandataire apostolique, généralement un prélat « retraité » qui est chargé de gérer les affaires courantes et surtout d’éteindre l’incendie, comme ce fut le cas pour Michel Dubost, évêque émérite d’Evry-Corbeil Essonnes qui a remplacé le Cardinal Barbarin puis l’ancien Evêque de Cayenne, mais lui étant carrément impliqué dans une sordide affaire sexuelle et qui a dû démissionner. Oups !
On se souvient encore de l’autre démission acceptée beaucoup plus vite par le Pape, celle de l’Archevêque de Paris, le très atypique Mgr Aupetit, ancien médecin généraliste, ordonné prêtre à 44 ans, soupçonné d’entretenir des relations ambigues avec une femme très impliquée dans le clergé…
On a pu construire récemment des Cathédrales ou autres églises nouvelles, y organiser des Journées mondiales de la Jeunesse, il est clair que la France recense 60 % de la population qui se déclare catholique tandis que moins de 7 % d’entre eux se rendent à l’église n’est pas la priorité de François qui préfère miser sur des territoires plus faciles à (ré)évangéliser….
Soyons réalistes, ne demandons pas l'impossible: l’influence du Pape, à la tête d’un état Minuscule mais ayant encore autorité sur plus d’un milliard d’individus sur terre est devenu plus symbolique que stratégique : François fait « le job » celui de « pasteur » qui prêche la bonne parole et l’amour de son prochain et se définit comme un infatigable « diplomate », en quête d’un « œcuménisme » louable mais qui a une caisse de résonnance finalement limitée aux yeux du monde même si on peut y prêter une oreille attentive.
ITE MISSA EST !
Dix ans après son élection, le pape François se dit fatigué mais n'envisage pas dans l'immédiat de démissionner comme le fit son prédécesseur Benoit XVI auquel il a d'ailleurs rendu hommage alors qu'il présidait ses obsèques en janvier dernier et c'est en chaise roulante que l'ancien prélat Argentin est apparu en public.
Néanmoins, le Saint-Père préfère déplorer une autre forme de torpeur qui anime notre époque en déplorant que "nous sommes entrés dans une société de la fatigue"
La science progresse […] mais la sagesse de la vie est tout autre chose, et elle semble en perte de vitesse", s’est inquiété le pape François lors de l’audience générale du 25 mai 2022. Il a mis en avant la place centrale des personnes âgées, "riches en sagesse et en humour", qui peuvent redonner du sens à une société fatiguée (sic).
(*) Titre "clin d'oeil" au film éponyme de Nanni Moretti (2011) avec Michel Piccoli dans le rôle d'un Cardinal fraîchement élu Pape mais qui renonce à la fonction qu'il juge trop écrasante pour lui, contrairement à François...