Chapitre 3.

LA CUISINE PAYSANNE QUOTIDIENNE

Les plats que nous vous avons présentés, souvent compliqués ou longs à préparer, sont surtout l'expression d'une cuisine de fête, ou citadine (des familles aisées ou de nombreux restaurants et auberges).

La nourriture de tous les jours, dans les fermes principalement, était moins sophistiquée et avant tout moins coûteuse. Les habitudes variant parfois de village à village, voire de ferme à ferme, ce chapitre tente de présenter une synthèse de divers témoignages obtenus en divers points de la Beauce, du Loiret à Etréchy. Les faits relatés semblent tous être connus et pratiqués en Beauce Etampoise ainsi que dans le sud du Hurepoix.

Que mangeait-on à la campagne ?

Rappelons tout d'abord que chaque ferme avait de quoi assurer sa subsistance, notamment son potager et son verger ; les fruits, consommés crus, en compote (fruits bien mûrs) ou en confiture et les légumes étaient une des bases de l'alimentation.

On semait traditionnellement les pommes de terre à la St-Georges et à la récolte on réservait les plus grosses pour la vente, les petites étaient consommées à la ferme (ragoût) ou données aux cochons. Bien souvent, l'hiver, légumes secs, choux et pommes de terre formaient le plat unique.

Les petites fermes possédaient toutes leurs vaches, (le lait ne manquait point et servait entre autres choses â la fabrication du fromage) et leurs chèvres. Les grandes fermes, de plus, élevaient leurs moutons et les agneaux de Pâques beaucerons acquirent une certaine réputation. Ces agneaux qui ne mangeaient que des chaumes, avaient une chaire maigre (peu de gras).

Ajoutons la basse-cour et les lapins, ainsi que les inévitables cochons dont l'abattage donnait lieu à des réjouissances. Les abeilles, comme en Gâtinais, butinaient le sainfoin et donnaient un excellent miel ; chaque ferme possédait ses ruches. N'oublions pas la fabrication du cidre...

Au village, bien sûr, l'épicier vendait vin, poisson (forte - consommation de morue séchée, qui, remplaça tardivement les harengs et maquereaux salés, uniques poissons consommés depuis le Moyen-Age), fruits et légumes secs apportés de Paris ou du Val de Loire.

Fromage sec et lard froid composaient généralement le repas du matin, le midi on mangeait une soupe panade, puis du "pot au cochon", viande salée conservée en pot dans la maie avec le pain (il est à noter que dans certains villages, le terme de pot au cochon a une signification différente et est tout simplement synonyme de "rata") : c'était la nourriture principale des ouvriers agricoles. Le soir, le repas était fait soit d'une soupe, une trempée de pain et de lait froid légèrement sucrée (l'été) ou une soupe de potiron (l'hiver) ainsi que de rata.

En période de labeur très rude, moisson par exemple, une "collation" à 10 heures et un goûter à 17 heures étaient apportés aux travailleurs : soupe réchauffée, lard froid, fromage sec et vin coupé d'eau. La "passée d'août" (après la moisson), était traditionnellement fêtée en mangeant un civet de lapin, on cuisait et partageait un poulet (cuit à la Beauceronne), que l'on avait promené sur la dernière voiture de foin rentrée. Cette tradition se retrouve aussi dans le Sud du Hurepoix.

LA FETE DU COCHON

Tuer et préparer le cochon a toujours été l'occasion de réjouissances, qu'on le fasse seul ou en se groupant entre fermes voisines. Comme la majorité des provinces françaises, la Beauce et l'Etampois en général n'échappaient pas à la règle.

 Les indications fournies ici, et qui peuvent varier de village en village, nous a été fournies comme venant de la Beauce Orléanaise, puis vérifiées autour d'Etampes.

Que fabriquait-on ? Ce n'était pas très varié : tout d'abord du boudin, avec le sang du porc, puis on salait la viande pour la conserver et faire le lard ainsi que le traditionnel pot au cochon qui se conservait longtemps et que l'on consommait tous les jours dans les fermes, avec les légumes du jardin (principalement des pommes de terre et des navets). Par contre, pas ou peu d'autres produits tels que les saucisses.

 On conservait les abats, pour en faire le plat du lendemain de la tuée, accommodés sous forme de fricassée : le cœur, le foie et les poumons étaient coupés en petits morceaux, mis à revenir et cuits en ragoût avec un roux fait de farine, de vin rouge et d'oignons. Cette coutume se pratique encore de nos jours.

« L’ADDITION, S'IL VOUS PLAIT »

C'est l'heure du bilan â présent. Que de découvertes avez-vous faites ! Découvertes, dis-je ? Pourtant vous devriez connaître ces plats et ces coutumes ! Retour au problème de base : perte d'identité régionale, "habitudes parisiennes" de nombreux clients (poussant à l'établissement d'une grande cuisine d'essence nationale ou de fast foods) ... et une bonne partie de notre patrimoine culinaire local tombe dans l'oubli (en comparaison, demandez donc aux Poitevins d'oublier leur farci, ou aux Bourguignons leur coq au Chambertin !).

Il est à noter que l’Ile de France est une des très rares régions dans lesquelles il est pratiquement impossible de trouver des produits traditionnels du pays dans les grandes surfaces  locales et les salons gastronomiques nationaux (à part le miel et les fromages de Brie).

Entendons-nous bien, il ne s'agit pas de s'enfermer dans un folklorisme passéiste, mais quelques plats mériteraient bien d'être "sortis du congélateur » !!! De plus, une créativité culinaire utilisant des produits ou des techniques de notre région serait la bienvenue. Quelques restaurateurs l'ont compris, tels (mais c’était il y a quelques décennies)  ce chef d'un célèbre restaurant (toujours le même) de Chalo-Saint-Mars épinglant à sa carte une papillote de poularde au cresson, cet autre de Chamarande avec son poulet aux chevriers ou ce dernier de Méréville perpétuant les spécialités de la capitale du cresson.

 Alors, pourquoi pas un renouveau culinaire 'du Sud Francilien ? Un surcroît d'enthousiasme, une plus grande conscience régionale et... une politique touristique cohérente, touchant enfin tous les domaines en sont les moteurs indispensables. L'espoir est permis !

Annexe :

QUELQUES RECETTES

POTAGE AU CRESSON

1 botte de cresson, 400 grammes de pommes de terre, 1 poireau, du beurre, de la crème.

 Cuire les pommes de terre coupées en dés et le poireau dans de l'eau salée, avec une noix de beurre. Passer au moulin. Laver et hacher le cresson, le plonger dans le beurre chaud. Tourner et laisser mijoter 15 minutes. Mélanger le cresson et la soupe, cuire 15 minutes, puis ajouter de la crème fraîche et des croutons frits.

CULOTTE DE BOEUF A LA BEAUCERONNE

Dans une terrine, poser alternativement des lits de lard, puis des tranches de pommes de terre avec des oignons, du laurier et du basilic puis d'escalopes de culotte de bœuf de 2 centimètres d'épaisseur environ. Continuer l'opération jusqu'à remplissage de la terrine, terminer par une couche de lard. Cuire au four environ 2 heures.

TOURTE AUX MORILLES

Préparer une pâte feuilletée Cuire â couvert les morilles dans du vin blanc et du beurre. Assaisonner. Réserver les morilles, faire réduire le jus. Préparer une béchamel, ajouter de la crème, un jaune d'œuf, le jus de morilles. Couper en bâtonnets une tranche de jambon, que l'on fera suer dans du beurre tiède. Séparer la pâte en deux pâtons : tapisser le fond d'un moule de l'un deux. Etaler dessus de la crème, puis du jambon, la sauce, les morilles, le reste du jambon, le deuxième pâton. Bien sceller les bords de la tourte. Cuire 35 minutes à four moyen, avec une cheminée percée dans la pâte. Servir chaud, en ayant versé de la crème dans la cheminée.

RAGOUT BEAUCERON (OU RATA)

 Dans une cocotte, faire revenir des oignons émincés et des pommes de terre coupées en tranches. Ajouter un peu de farine, du thym, du laurier et un peu d'eau, ainsi qu'un morceau de lard. Assaisonner, laisser cuire.

PATE DE MAUVIETTES (Recette possible avec des grives ou des cailles).

Faire une pâte brisée. Désosser et parer les mauviettes Préparer la farce : • Emincer les champignons, ciseler les échalotes. Couper séparément des morceaux de lard, de viande de lapin, de foie de volaille. • Faire revenir le lard, ajouter le lapin, colorer, égoutter. Faire revenir le foie, l'ajouter au lapin. Suer l'ensemble 2 minutes, ajouter 2 à 3 jaunes d'œuf, du Madère. Piler l'ensemble, le tamiser, le lisser. Colorer les mauviettes en sauteuse, cuire â four chaud 10 minutes. Placer dans une terrine successivement la moitié de la pâte, les alouettes farcies, l'excédent de farce, du thym, recouvrir de pâte ; bien sceller les bords. Cuire à four chaud 45 minutes.

PITHIVIERS

Préparer une pâte feuilletée Mélanger 150 grammes de poudre d'amandes avec la même quantité de sucre (glace de préférence) puis le jaune d'œuf, 100 grammes de beurre, du rhum. Bien travailler l'ensemble Séparer la pâte en deux pâtons Tapisser le moule d'un des pâtons, ajouter la crème d'amandes puis l'autre pâton. Cuire à four très chaud 5 à 10 minutes, puis à four chaud 25 à 30 minutes. Saupoudrer de sucre glace.

ROUSSETTES

250 grammes de farine 75 grammes de sucre 3 œufs 1 verre de cognac + un trait de fleur d'oranger. Mélanger l'ensemble, laisser reposer une demi-heure Tourner la pâte deux fois, comme un feuilletage, la découper en bandes. Faire frire les roussettes, les égoutter et les enrober de sucre glace.