Tour en bois à Renneville....

DIXIEME EPISODE

LA GOUTILLE-AYGUESVIVES

LA MARCHE FLUVIALE

La marche n’est pas une simple thérapeutique mais une activité poétique qui peut guérir le Monde de ses mots

Bruce Chatwin

DANIELLE

 Danielle vient à notre rencontre. La maîtresse des lieux est une femme avenante et souriante qui s’exprime avec un léger accent du coin tout en nous conviant à rentrer dans la salle de séjour. Nous découvrons une vaste pièce, avec une cuisine « à l’américaine » qui fait face à une grande table et sur la droite, le « salon » proprement dit, avec une cheminée vissée sur le mur…

Nous prenons place autour de la table pour absorber un rafraîchissement toujours bienvenu tout en apprenant que notre hôtesse vit seule dans cette vaste bâtisse complètement isolée comme nous avons pu nous en apercevoir lors de notre arrivée.

On le devine, il s’agit d’une ancienne ferme où elle s’est installée à l’époque avec son conjoint, il y a plus d’une dizaine d’année. Ils l’ont retapé ensemble avec minutie avant de finalement se séparer. Depuis, Danielle en a fait un gîte pour les randonneurs et les pèlerins.

Mais en ces temps incertains, il est plutôt conseillé d’avoir une autre activité et notre hôtesse travaille simultanément avec son beau-frère et sa sœur qui sont agriculteurs sur la commune. Néanmoins, elle nous confirme qu’elle est bien aidée par les pouvoirs publics afin de maintenir cette activité hospitalière en cette période de pandémie.


A l’opposé de nos principaux hébergeurs, elle nous révèle cependant qu’elle n’a jamais « fait » le Chemin mais cela ne l’empêche pas d’être active au sein de l’association « Halte Pèlerins de la Voie d’Arles, Chemin de Compostelle » dont elle s’occupe du Secrétariat… et puis la solidarité existe indéniablement entre les différents hébergeurs, comme nous avons pu le constater auparavant : à Revel, Marcelle nous a orienté vers Isabelle des Cassès, cette dernière nous indiquant le gîte de Danielle….

Danielle semble  avoir malgré tout un calendrier relativement bien rempli en ce qui concerne le taux d'occupation de son gîte malgré cette conjoncture exécrable et que demain elle devrait recevoir encore de nouveaux pèlerins...

Je ne sais pas pourquoi, mais je l’appelle Denise, ce qui la fait rigoler. J’ai dû mal entendre l’évocation de son nom par Isabelle lors de notre passage aux Cassès et voilà que je me souviens subitement de la chanson très Rock de Jacques Higelin « Denise, il faut qu’j’te dise, je sens que j’vais piquer ma crise ». Toute une époque. Surtout celle de ma jeunesse….

Autour de notre rafraichissement, nous discutons de choses et d’autres, agrémentées de moments vécus ou à venir nous concernant, ou encore de la vie quotidienne de notre hôtesse, de sa région et de la nôtre, le tout saupoudré de deux ou trois calembours toujours bienvenus pour détendre l’atmosphère, qui de toute façon n’était pas du tout tendue…

Voilà que Christèle me murmure, avec un ton (légèrement) agacé : « j’ai l’impression qu’elle m’ignore complètement. Je n’existe pas autour de cette table : elle ne s’adresse qu’à toi, je pense qu’elle est sous le charme ».

Bon, ceci est un peu exagéré … et mon binôme me balance aussitôt un regard espiègle, avec ses yeux rieurs et une légère moue taquine, elle pourrait ressembler à une paroissienne qui aurait été témoin, par mégarde d’une scène lubrique au cœur d’une Sacristie…

Avant de regagner notre chambre du soir, Christèle demande à Danielle si un service de taxi existe pour le transport des sacs d’un gîte à l’autre, ce que confirme notre hôtesse. Effectivement, plusieurs transporteurs effectuent cette tâche quotidienne à travers la région. Après le « loupé » du renvoi des affaires par voie postale à Revel, cette option va nous permettre de pouvoir terminer le chemin, sensiblement « allégé » de notre fardeau et ce n’est pas rien…

Tombée du soir sur la Goutille...

Tombée du soir sur la Goutille...

L’idée sous-jacente est de ne garder qu’un seul des deux sacs pour le périple du lendemain et dans lequel nos strictes nécessités du jour seront stockées dans le bagage de Christèle tandis que je me séparerai du mien qui se verra accueillir tout le reliquat en « surplus pour être ensuite déposé dans le prochain gîte… A titre personnel, je deviendrai porteur d’un sac petit sac en bandoulière uniquement contraint de transporter ma gourde et une affaire de rechange….

Nous appelons dans la foulée une compagnie de taxi spécialisée (en partie) dans ce type de transport et qui nous confirme le rendez-vous pour demain matin à 7h30…Voilà une bonne chose de faite…

LESSIVE SANS ETRE LESSIVE

Nous regagnons notre chambre au niveau du premier étage qui est composé de la salle de bains et des toilettes, d’un petit espace convivial et de trois chambres : celle de Danielle et deux autres réservées aux pèlerins…

La nôtre est composée de deux lits simples, d’un aspect assez agréable avec sa fenêtre donnant sur le jardin ainsi que sur la campagne environnante. Contrairement aux Cassès, pas de problème de réseau ici, nous sommes effectivement dans une zone beaucoup moins excentrée, à seulement un kilomètre et demi du Canal et de l’autoroute….

Mais quelques contingences nous attendent, comme le nettoyage de certaines affaires : t-shirts, shorts et bien sûr chaussettes qui ont subi les outrages de nos efforts sans oublier ceux causés par la chaleur. Dans le jardin, un évier a été installé permettant aux campeurs d’effectuer une « lessive » rapide à coups énergiques de gros savon....

Cette « lessive à la main » en plein air va nous permettre en outre, de mieux découvrir l’architecture du gîte : une ancienne ferme ou « métairie » comme on dit dans ces contrées, avec sa façade extérieure en torchis, et son petit escalier qui mène à l’étage supérieur en affichant une utilité esthétique plus que pratique….

Le linge ensuite étendu sera rapidement sec puisqu’exposé aux vigoureux rayons du soleil de cette fin de soirée qui inondent la devanture de la ferme. Nous en profitons pour nous assoir autour d’une petite table installée sous un appentis situé sur un pan de la façade et nous contemplons sans mot dire, la nature paisible qui nous entourent…

Le Gîte de Danielle

Le Gîte de Danielle

AUTOUR DE LA GOUTILLE

La Goutille, c’est ici

Au creux d’une vallée.

Un petit paradis

De silence et de paix !

Un pèlerin anonyme enthousiaste

Passage en 2018

La ferme de Danielle est donc nichée dans ce vallon bucolique qui domine la plaine du Lauragais, ce vaste « océan de blé » qui pourrait rappeler la Beauce ou la Brie au nord de la Loire…. Un coin que certains citadins apeurés décriraient comme un lieu perdu « seulement « ravitaillé par les corbeaux ».

C’est une caricature bien sûr, car cette région, certes encore rurale, du fait de sa proximité avec Villefranche de Lauragais et Revel tout en se situant aux portes de l’Aire urbaine de Toulouse (dont elle fait désormais partie) est loin d’être excentrée, en outre favorisée par l’Autoroute de l’Entre-deux-Mers qui la relie très rapidement aux Métropoles d’Occitanie…

La Goutille est donc un lieu-dit dépendant de la commune d’Avignonet-Lauragais, ce village de 1500 habitants que nous avons aperçu de l’autre côté de l’Autoroute et qui est connu pour un épisode tragique de l’histoire locale : le massacre des inquisiteurs du Catharisme.

LE MASSACRE D'AVIGNONET

Eh, oui, cette fois-ci, les habituels bourreaux se sont transformés en victimes : le 28 mai 1442, le tribunal d’inquisition dirigé par Guillaume-Arnauld et Etienne de Saint-Thibéry avait élu domicile dans la petite cité lorsque plusieurs hommes commandés par le chef militaire de Montségur, Pierre-Roger de Mirepoix, aidés par les habitants d’Avignonet procéda au massacre des inquisiteurs et de leur suite pendant leur sommeil.

Au total, onze personnes furent massacrées mais cela ne constitua qu’une des ultimes poches de résistance Cathare puisque deux ans plus tard, la prise de Montségur sonnera le glas pour les « Hérétiques ».

En effet, le 16 mars 1444, un nouvel épisode tragique de l’histoire du Catharisme va se produire sur un Piton rocheux sur lequel se dresse une forteresse qui surplombe la vaste forêt Ariégeoise. Le seigneur des lieux est Raymond de Pareille, accompagné d’une centaine de chevaliers du midi, des « gens d’armes » que l’on surnomme les « faidits » garde la Place forte et est resté en rébellion contre le roi de France, Louis IX (alias Saint-Louis) et ses Croisés, même si ces derniers sont sortis vainqueurs de la « Croisade des Albigeois » ….

Mais l’autorité royale, surtout incarnée par les « Croisés » décide de mettre un terme définitif à toutes les velléités de résistance de tous ces seigneurs d’Occitanie et surtout de venger le massacre d’Avignonet.

Cette expédition que l’on qualifierait de nos jours de « punitive » a été confiée à Hugues des Arcis, le Sénéchal de Carcassonne. A première vue, Montségur parait imprenable, du fait de sa situation géographique unique, dressée par l’audace de ses bâtisseurs.

Quand on visite aujourd’hui cet édifice toujours imposant mais en ruine, on peine à imaginer qu’il ait pu abriter plus de 600 personnes en son sein (garnison incluse) à cette époque, s’avérant être une véritable « ville interne » avec ses commerces, son église, son administration…

Ce siège de Montségur va durer plusieurs mois, et Hugues des Arcis devra utiliser de nombreux stratagèmes pour tenter de s’emparer de cette citadelle jugée « imprenable ». Il imagine d’abord d’encercler le site pour mieux l’isoler, mais le « Castrum » bénéficie encore de nombreux appuis logistiques (armes, munitions, approvisionnements de vivres) venus de l’extérieur qui permettent d’opposer une résistance soutenue…

Les « Croisés » réussiront toufefois à trouver « une faille » dans une des dépendances du Castrum, plus isolée et pourtant plus difficile d’accès avant de donner l’assaut finale fin février 1444.

La garnison dirigée par Raymond de Pareille est contrainte d' entamer des négociations avec le vainqueur portant sur sa reddition, sur la possibilité d’un pardon pour les défenseurs du Castrum, y compris ceux qui ont participé au Massacre d’Avignonet à condition de passer devant un tribunal d’Inquisition qui pourra (éventuellement) les condamner à des peines légères, mais surtout de voir l’ensemble des autres habitants du Castrum être graciés s’ils abjurent leur foi Cathare, dans le cas contraire, ils finiront sur le bûcher…comme lors de la Tragédie des Cassès…..

Plus de la moitié d’entre eux, environ deux cents personnes opteront pour la dernière solution et seront brûlés vifs… Les vainqueurs prendront donc possession des lieux et rebâtiront d’ailleurs le Castrum dont le touriste actuel peut contempler désormais les ruines majestueuses …

In fine, la légende veut que quelques « bons hommes » aient réussi à s’échapper au moment de la reddition, emportant avec eux, le « Trésor Cathare » dans un lieu sûr… Malgré tout, il est clairement admis que la chute de Montségur sonnera définitivement le glas du « Catharisme » ….

Vue sur Avignonet

Vue sur Avignonet

LE PAYS DE COCAGNE

Rappelons-le, c’est le Pastel, cet « or bleu » qui a fait la richesse de cette région que l’on appelle parfois « la Petite Toscane » ou encore « le pays des Mille collines » mais l’appellation la plus fréquence semble être « le Pays de Cocagne ».

Pays de Cocagne, rien que ça ! Dans l’imaginaire collectif, c’est comme cela que l’on aime désigner un territoire qui ressemble au paradis terrestre, une sorte d’endroit miraculeux où ses habitants jouissent pleinement des bienfaits de la nature environnante.

 Les amateurs de peinture évoqueront également le fameux tableau éponyme de Brueghel l’Ancien datant du XVIème siècle et que l’on peut admirer dans un musée de Munich (Allemagne).

Après renseignements, ce « Pays » là doit son nom aux « Coques » qui ne constitue rien d’autre qu’une étape du traitement du « Pastel » qui permet ainsi d’en tirer une teinture connue sous le nom de « bleu pastel ».

Mais un « Pastel » qui a fini par être détrôné par son concurrent « l’indigo » venu des Caraïbes, et dont les coûts d’exploitation étaient bien inférieurs à ceux de son rival européen (du fait notamment de l’emploi d’une main-d’œuvre issue de l’esclavage) puis de procédés chimiques utilisés donnant de « meilleurs bleus » …

Cela entraina la mort progressive de l’activité en Occitanie sans toutefois s’étioler complètement. De facto, la céréaliculture est redevenue l’activité agricole majeure sur le Lauragais…

De nos jours, à l’instar de la relance de la culture de la Violette, un petit cercle de passionnés composé d’artisans et d’entrepreneurs a relancé une activité « soutenue » pour ressusciter « l’Age d’or du Pastel » à travers des manifestations régionales organisées…

A commencer par celles concernant les journées du Patrimoine. Une association de type loi 1901 astucieusement dénommée Pastel, (Patrimoine Agricole Savoirs Techniques En Lauragais) s’est d’ailleurs implantée sur plusieurs communes de la région et ce, depuis quelques années confirmant la résurrection de l’activité

Si le siège social est fixé à Aureville c'est à Avignonet-Lauragais que tous les outils et collections sont entreposés. L'association a pour but de sauvegarder un certain nombre de matériels qui ont rythmé la vie des campagnes et les travaux des champs. Machines agricoles, véhicules utilitaires, engins de travaux publics et de très nombreux équipements sont ainsi exposés, indispensables témoins d'un savoir-faire artisanal bien souvent perdu et parfois même disparu.

Fertile plaine du Lauragais..

Fertile plaine du Lauragais..

LE DEPARTEMENT SE MET SUR SON "31".

Nous sommes en Haute-Garonne, le «3-1 », un territoire de 1.4 millions d’habitants, aussi peuplé que l’Essonne et qui comprend également de fortes disparités démographiques : le nord est très urbanisé, se trouvant complètement « vampirisé » par Toulouse et son agglomération finissant par déborder sur les départements voisins du Tarn et Garonne, de l’Ariège ou de l’Aude, tandis que le sud qui s’étend jusqu’à la frontière espagnole est demeuré rural et montagnard.

Un territoire de 6000 km2 avec deux sous-préfectures : Muret et Saint-Gaudens, petites villes qui tentent de résister à l’hégémonisme toulousain… On a parlé récemment de « détacher » la métropole Toulousaine du reste du département, à l’instar de Lyon (dont Toulouse est sur le point de ravir sa place (intra-muros) de 3ème ville de France) mais les vives protestations des élus du département ont pour l’instant fait avorter ce projet…

Le hameau de la Goutille est cependant situé à la frontière avec le département de l’Aude, naguère rattaché à la défunte région « Languedoc-Roussillon » dont la Capitale était Montpellier et qui a connu lors de la réforme territoriale de 2015, un « mariage forcé » avec son voisin de « Midi-Pyrénées » dont la principale agglomération, Toulouse est devenu le nouveau Chef-lieu de la région Occitanie, un vaste de territoire de 72 000 Km2, grand comme l’Irlande, composé de 13 départements et peuplé de 4.8 millions d’habitants,  au grand dam de Montpellier….

LE REPAS DU SOIR

Nous avons choisi la formule demi-pension : repas du soir + coucher, ce qui revient à 35 euros par personne. Danielle nous a concocté un succulent repas comme on sait les servir dans ces terroirs du sud-ouest, une cuisine raffinée avec viande et légume du cru, ni trop légère, ni trop bourrative, de plus agrémentée d’un bon vin de pays et vous aurez la certitude d’avoir la panse légèrement repue.

La vie d’un(e) hospitalier(e) est rythmée par l’ouverture quotidienne de son gîte, activité généralement saisonnière, avec une ouverture pour les nouveaux arrivants prévue à 15h00 et qui prend fin le lendemain avant 8 heures le matin, au moment de leur départ…

Danielle est une femme de la campagne : elle se couche relativement tôt mais se lève également tôt, du fait de son second travail dans le milieu agricole. A l’origine, elle a fait des études dans un lycée hôtelier de Toulouse, ville dans laquelle elle semble avoir vécu un certain nombre d’années avant de revenir s’installer ici auprès de sa sœur et de son beau-frère agriculteurs…

Avant d’aller rejoindre notre lit douillet, initiative retardée dans l’instant présent car il n’est que vingt et une heure trente et comme le soleil tarde à se coucher à l’ouest, nous décidons de faire quelques pas autour de la Goutille, découvrant au loin les premières lumières d’Avignonet…La plaine du Lauragais s’efface progressivement dans la pénombre, indifférente au trafic de l’autoroute et de la solitude du canal du midi….

NUIT ETOILEE

Une fois de plus, je n’arrive pas à dormir. En fait, je m’assoupis quelques temps puis me réveille subitement et alors, impossible de retomber dans les bras de Morphée, a contrario de ma voisine qui a déjà entamé les premières mesures de son concerto en borborygme mineur. « Mon insomnie » m’évite de me joindre à l’Orchestre de Chambre et de mettre en avant mes talents de concertiste buccal « allegro con fuoco », comme pourrait me rétorquer, sous le mode vengeur, ma camarade de chambrée partie en éclaireuse aux royaumes des songes….

Je quitte précipitamment l’orchestre « côté cour » pour me rendre « côté jardin » afin d’aller compter quelques brebis égarées dans la campagne environnante… Je descends l’escalier sur la « pointe des pieds » afin de ne réveiller personne. Danielle a fermé la porte à double-tour et barricadé le volet, mais cela ne m’arrête pas dans ma volonté de sortir…

Dehors, il fait encore très bon :  peut-être 17 ou 18 °, je devine les arbres du jardin dans la pénombre qui bruissent doucement entourée d’une campagne assoupie. Je lève la tête et découvre, subjugué, un magnifique ciel étoilé et d’une grande pureté : nul doute, j’ai l’impression que la nuit m’appartient…

Cette voute céleste me rappelle celle qui est projetée lors d’une démo pédagogique au Palais de la Découverte à Paris et sera peut-être prometteuse pour le reste de la nuit : à l’époque, la voix monocorde de l’intervenant, proche de celle de Patrick Brion, le présentateur du « Cinéma de Minuit » (FR3) m’avait plongé dans un roupillon notoire…

Pont Canal de l'Hers

Pont Canal de l'Hers

AYGUESVIVES, NOUS VOILA !

« Tant qu’il y aura des étoiles, sous la voute des cieux » chantait notre Crooner national Tino Rossi et il avait raison, car dans la « nuit sans voile » Morphée a fini par me cueillir dans ses bras….

Le réveil sonne vers 7h00…et le saut du lit n’est pas trop pénible, c’est l’essentiel. Nous descendons l’escalier pour prendre le petit-déjeuner avant d’entamer ce qui sera donc notre dernière étape avant Toulouse : Ayguesvives, via le Canal du Midi. Un joli périple de 22 km que nous aurons la joie d’effectuer avec un sentiment de légèreté, du fait du délestage des sacs à dos.

Nous retardons notre heure de départ afin d’assister à l’enlèvement du « sac » par le Taxi assermenté, tels des « bidasses » qui attendraient le « lever de drapeau » à la caserne. Le chauffeur arrive assez rapidement pour la prise en charge et dans la foulée, nous quittons les lieux en faisant nos adieux à Danielle, qui aura été une nouvelle belle rencontre sur ce chemin d’Arles….

Les chalands du Canal

Les premières minutes d’une journée de marche sont toujours teintées d’un sentiment d’allégresse, probablement lié au climat ambiant : un timide soleil estival qui commence à inonder une campagne qui sort paresseusement de la torpeur nocturne tandis que le pèlerin avance d’un pas assuré, d’autant plus réconforté d’être récompensé de ses efforts accomplis les jours précédents pour mieux voir s’achever un périple qui ne pas tarder à trouver son issue dans les prochains jours….

La marche est d’autant assurée par le fait d’être « délestés » de notre encombrant paquetage, surtout moi, donnant à présent le sentiment de m’être transformé en un promeneur du dimanche, affublé de ma pochette en bandoulière comme unique bagage… tandis que Dame Christèle, porteuse d’un sac aussi allégé que lors de nos ballades dans le Sud-Essonne arpente cependant le chemin d’un pas toujours régulier et cadencé par le frottement de ses bâtons…

Nous venons de quitter le chemin caillouteux et en lacet de la propriété de Danielle pour retrouver la route bitumée qui continue à serpenter entre deux vallons qui vont nous ramener à la hauteur de Port-Lauragais, cette aire touristique et autoroutière qui flirte avec un Canal du Midi que nous n’allons pas tarder à retrouver…

Nous jetons un ultime regard sur le clocher d’Avignonet encore perdu dans la brume matinale alors que s’annonce déjà les rives d’un ouvrage conçu sous la direction de ce bon Monsieur Riquet….

Au bout de quelques minutes, Christèle fait une première pose, jetant son dévolu sur un mûrier abondant, en quête d’absorption de quelques fruits qui ne sont pas défendus pour la circonstance…

Notre progression pédestre sur les abords de ce corridor fluvial nous procure une impression étrange, une sorte de mise en concurrence de deux voies de communication voisines mais ayant trois siècles d’intervalle : celle de Riquet et son Canal qui bouleversa l’économie de la région et l’autre, « l’Autoroute » nouvelle chaussée des géants qui permit de rendre les villes plus proches les unes des autres, à des années lumières des diligences….

L’eau verte du canal

Que chante Nougaro

Paisiblement s’étale

Sans produire aucun flot

Ce quatrain a été écrit par un pèlerin qui a effectué en 2018 le même itinéraire que celui que nous empruntons actuellement et qui relate parfaitement ce sentiment de quiétude qui nous animent, même si parfois « la monotonie » peut s’inviter le long de ce parcours bien que rapidement estompée par le moindre détail insolite qui attire notre attention : un héron par exemple qui trône sur l’autre rive et qui semble nous adresser un cordial salut avec son long bec pointu…

Nous ne croisons toujours pas de pèlerins (et nous n’en croisons finalement aucun jusqu’à Toulouse), ce qui n’est pas le cas des cyclistes, toujours plus nombreux, mais ne l’oublions pas, cette voie « entre les deux mers » est vraiment faite pour eux, avec en plus l’avantage, sinon sa longueur, de ne présenter aucune difficulté majeure, s’avérant pour les familles avec petits et grands….

Et toujours les écluses, d’abord celle d’Emborrel qui ouvre notre marche, suivie de celle d’Encassan pour finalement rejoindre Renneville… avec l’évocation des biefs « amont » et « aval » qui continuent indéfiniment à jouer le rôle de « courroie de transmission » hydraulique entre deux écluses tout en nous servant d’indispensable « repère » quant à notre progression pédestre.

Nous arrivons à Renneville, à la hauteur de son écluse, où nous faisons une petite pause… face à une maison d’éclusier dont l’origine remonte probablement au siècle dernier, témoin des nombreux passages de péniches, bateaux, pédalos et autres moyens de locomotion qui lui ont certainement lancé un regard furtif….

De l’autre côté du canal, un campeur qui a dû passer la nuit ici est en train de replier sa tente… Les cyclistes sont toujours plus nombreux, nous en croisons d’ailleurs un, qui a l’air un peu perdu et qui nous adresse la parole pour nous demander la direction de Montferrand alors qu’il semble se diriger vers Vieillevigne située dans la direction opposée. Il donne l’impression ne pas savoir lire une carte, nous racontant en outre une histoire des plus acadabrantesques concernant la récupération de son camping-car…

Nous franchissons l’écluse pour rejoindre le chemin qui mène vers le bourg… Renneville n’est qu’un petit village de 500 habitants ayant gardé sa physionomie rurale malgré son appartenance à l’aire Toulousaine, séparé de 34 km du centre de la Ville Rose.

Comme toutes ces localités de la région de Villefranche-de-Lauragais, son histoire est étroitement liée à celle du Canal et de son important réseau hydrographique :  la commune étant arrosée par les rivières : l’Hers Mort, la Grasse ou encore le ruisseau du Favayrol sans oublier l’Aqueduc des Voûtes, un bel ouvrage construit par Vauban entre 1688 et 1690 et qui est une partie intégrante du Canal du Midi.

Situé à cheval entre Renneville et Gardouch, il est voisin avec le Pont-Canal de l’Hers, qui permet d’enjamber la rivière, l’ouvrage ayant été rajouté au début du 19ème siècle.

Nous arrivons à Gardouch, où nous décidons de trouver un endroit pour déjeuner. Le site est agréable et plutôt fréquenté aussi bien par les cyclistes que par les passants et où nous pouvons constater que certains bateaux de plaisance ont accosté sur les rives du chenal.

La tentation de nous restaurer à l’auberge locale, appelé « L’estaminet » nous tente grandement, surtout en consultant sa carte. Malheureusement, l’établissement n’ouvre que dans une heure et comme le soleil commence à « cogner » avec insistance, un trop long arrêt nous dissuade d’attendre aussi longtemps craignant d’arriver trop tard à Ayguesvives avec les risques que cela comporte.

Nous nous replions sur une « gargote » situé à quelques mètres de là et tenue par deux filles, dont l’amabilité ne semble pas être la vertu première, surtout avec nos voisines de table mais nous ne sommes pas dans un « trois étoiles au Michelin », nous dégustons rapidement quelques saucissonnades et autres frites moutarde-Coca, assis à l’ombre d’un parasol salvateur…

Après cette halte pas vraiment gastronomique, nous poursuivons notre chemin pendant encore une petite heure avant d’arriver au « barrage d’Ayguesvives » que nous franchissons pour rejoindre la campagne environnante. Comme autour d’Avignonet, le paysage est composé de collines parfois boisées et de plaines fertiles peuplées de quelques métairies isolées…

Nous traversons un hameau transformé en vaste basse-cour : poules, dindons, coqs et autres gallinacés picorent avec ferveur les rares miettes éparpillées sur un sol caillouteux et ingrat… Il fait très chaud et la poussière s’invite autour d’une remise sans âge, on se croirait au cœur de la « Meseta » que connait bien Christèle qui l’a traversée sur le « Camino Francés » en direction de Santiago. Une pente interminable puis un plateau imposant et enfin une nouvelle descente vers Ayguesvives et ses faubourgs s’annoncent alors à nous…

 ARRIVEE A AYGUESVIVES

Ayguesvives nous voilà…. Et c’est tant mieux car ce chemin à travers cette campagne inondée par un soleil brulant commençait à être un tantinet longuet. Christèle en profite pour appeler notre hôte du soir, Jacques afin de confirmer notre arrivée imminente…

A l’autre bout du fil, une voix un peu bourrue prend acte, tout en précisant qu’il faudra apporter notre nourriture car il ne prépare pas de repas aux pèlerins, a contrario de nos précédents hôtes… En revanche, il nous renseigne sur la localisation du gîte….

« Pas aimable, le mec » fulmine Christèle. Enfin, nous verrons sur place… Nous prenons un chemin herbacé taillé au milieu d’un champ qui nous permet de rejoindre les faubourgs d’Ayguesvives…

De loin, Ayguesvives ne paraissait pas être une commune très importante, de près non plus d’ailleurs, étant certainement un ancien village qui a gagné d’un certain nombre d’habitants du fait de sa proximité avec Toulouse. Le genre de communes-dortoirs principalement peuplées de « rurbains » comme on en trouve en grand nombre autour des métropoles françaises….

Nous aboutissons sur un parking face à un centre aéré dans lequel quelques enfants jouent… « Nous ne sommes plus très loin, encore une centaine de mètres d’après le plan » …

Nous traversons l’artère centrale du bourg qui laisse sur la gauche un centre commercial mais toujours pas de gîte en vue…. Un kilomètre plus loin, non loin de l’église, un panneau indique le fameux gîte qui est bien plus éloigné que nous ne le pensions…

Nous ne le trouvons pas pour autant et finissons par interroger des jeunes qui glandouillent sur la Place de l’Eglise. Ils ne savent pas trop de quoi nous parlons et certains d’entre eux se moquent même discrètement de nous, amusés par notre dégaine de « vieux routards égarés », jugement un peu impitoyable, alors que Christèle et moi n’affichons ensemble que 114 ans !

Après avoir parcouru encore une centaine de mètres à travers une route boisée mais pleine de « points d’interrogation », j’aperçois enfin un groupe de maisons. La première qui se présente à moi est une bâtisse d’un étage qui pourrait être notre destination du soir…

JACQUES LE FATALISTE

Je frappe à la porte de ce que je pense être le gîte. Quelques secondes s’écoulent avant que quelqu’un ne m’ouvre. Un homme sexagénaire de grande taille, plutôt corpulent, à « l’air important » et qui m’apparait en souriant tout en me confirmant que je suis arrivé à bon port, étant suivi de près par Christèle qui arrête illico presto de bougonner, étant soulagée d’être enfin arrivée à bon port.

Nous procédons au rituel salvateur : celui de retirer nos « chaussures » puis de déposer l’unique « sac à dos » très allégé de Christèle que nous laissons dans une pièce dédiée (en fait, c’est un garage) à la dépose des affaires.

« J’ai déjà monté votre sac dans la chambre » nous informe Jacques qui a bien réceptionné « le paquet » du taxi qui était en retard sur l’horaire prévue en début de matinée, obligeant notre hôte à retarder son incontournable balade du matin…, c’est du moins ce qu’il nous confie, en usant d’un ton passablement réprobateur…

Jacques est originaire de Bretagne mais vit depuis de nombreuses années à Cahors, chef-lieu du Lot. Nous apprendrons qu’il est un actif retraité du milieu médico-social, en fait ancien directeur d’un EHPAD ou de ce genre d’établissement qui aura malheureusement fait la « Une » de l’actualité avec l’effroyable bilan causé au début de la pandémie ….

A l’instar de Marcelle, c’est un bénévole de l’association « des Pèlerins du Sud-Ouest » et qui tient ce gite d’Ayguesvives pour la semaine. D’après ce que nous allons apprendre il a déjà à son actif une longue implication dans l’activité hospitalière ayant parcouru maintes fois les différentes variantes du Chemin de Compostelle…

Nous passons aux traditionnelles formalités d’inscription, Jacques nous demandant alors nos pièces d’identité. Soudain, le visage de Christèle se décompose, telle une Gardienne de But après une « Panenka », avec un sentiment mêlant dépit et énervement : elle a oublié d’emmener ses papiers !...

Elle qui pense toujours à tout, qui voit tout : « un poil rebelle qui dépasse de votre nez, elle qui repère la moindre tâche de sauce tomate qui s’est égarée sur une manche de chemise et qui sait ce qu’elle mangera dans huit jours à midi (je plaisante), la voilà qui a oublié de voir si sa carte d’identité était bien calée dans son portefeuille avant le départ !

Quelle attitude dois-je adopter pour la sortir de ce « grand moment de solitude » ? : Soit, je ne la connais pas, venant juste de la rencontrer sur le chemin ? Soit, je dois me porter garant de sa bonne foi ?  .

J’opte finalement pour la seconde solution, et c’est tant mieux d’autant que Jacques n’est pas Torquemada : Dame Christèle ne risquera pas le bûcher…Comme d’habitude, au moment de laisser nos coordonnées en cas problème (lié au COVID), je confirme que je viens d’Etampes et Christèle de Corbeil-Essonnes…

« Je connais bien Corbeil » nous confie Jacques, avec un sourire en coin. Ah, bon… Généralement, l’ancienne Capitale de l’Essonne qui a donné son nom à un « convoi funéraire » est surtout connue du grand public pour son ancien maire, un milliardaire très célèbre et surtout très généreux avec certains de ses électeurs mais également pour ses quartiers « sensibles » qui défrayent bien souvent la rubrique des faits divers pas toujours glorieux…

« Ma sœur habitait aux Tarterêts, j’allais souvent la voir, c’était il y a plus de quarante ans » précise-t ’il comme pour confirmer que cette période est à présent révolue… L’homme semble être de toute façon plus amateur de « Chant Grégorien » que des sonorités agressives de « PNL » le groupe des frères Andrieu, originaire de la fameuse Cité….

Ah, les Tarterêts ! Ce quartier très difficile bâti à la fin des années 60 et qui aime bien se « fritter » avec les autres cités voisines de sa rivale et voisine Evry…Mais « l’urbanisation » de ce quartier est bien plus ancienne : durant la Préhistoire, il fut un des premiers campements Magdaléniens occupés par des chasseurs et pêcheurs sédentarisés sur cette rive gauche de la Seine, faisant face à l’autre site d’Etiolles, situé sur la rive droite et qui furent le théâtre de nombreuses fouilles archéologiques dans les années 70 organisés par des passionnés, archéologues amateurs ou membres du Comité d’Etablissement de la SNECMA et dont le travail de fouilles est à présent exposé à l’excellent musée de la Préhistoire de Nemours (Seine et Marne).

Plus récemment, le quartier fut le siège de la préfecture provisoire (avec la sous-préfecture voisine) et abrita plusieurs bâtiments préfabriqués construits en face du Lycée de Corbeil avant de déménager à Evry dans le courant des années 70…

Sur la route d'Ayguesvives.

Sur la route d'Ayguesvives.

Jacques a d’ailleurs fait une grande partie de sa carrière en Ile de France tout en habitant à Cahors, d’où est originaire sa femme. « Une belle ville mais où il n’y a rien à faire ni pouvoir y mener une carrière fructueuse» soupire-t ’il.

Une belle ville en effet que Christèle connait bien pour l’avoir traversée durant son pèlerinage sur le chemin du Puy, tout comme votre serviteur, quelques années auparavant avait également succombé aux splendeurs du Pont-Valentré qui enjambe une boucle du Lot….

Notre hôte habite en fait à la périphérie de ce chef-lieu situé au cœur du Quercy. Il semble habiter une vaste propriété, posséder des chevaux et ne semble pas devoir se gratter la tête à la fin du mois quand il consulte son relevé bancaire…

Cependant, il paraît être doté d’une nature assez pessimiste, doux euphémisme, tant sa vision de l’évolution du monde occidental paraît, selon lui, condamné à connaître un déclin inexorable… « Je le dis à mes enfants : Tout faut l’camp ici, partez en Nouvelle-Zélande où au Canada, barrez-vous, c’est la seule solution » …

Il a quelque part un côté « punk » avec ce « no future » déclamé en rafale, tout en nous la jouant simultanément « vieux con réac, revenu de tout » avec une pointe de provoc’ concernant son ancien job : « les vieux dans les EHPAD ? Y’a qu’à les laisser crever, de toute façon, c’est leur destin » …

Je lui fais remarquer que cette affirmation est d’un cynisme confondant, mais notre homme reste inflexible, comme droit dans ses bottes : « Détrompez-vous, c’est écrit : toute a une fin, à quoi bon s’accrocher, je vous le dis » … Bon, changeons de sujet….

Nous regagnons notre chambre qui ressemble à toutes celles que nous avons rencontrées auparavant mais qui conviendra parfaitement pour la nuit, à condition que je ne me tape pas encore une nouvelle insomnie….

Le gîte d'Ayguesvives.

Le gîte d'Ayguesvives.

VISITE D'AYGUESVIVES

En fin d’après-midi, Nous allons faire un tour en ville. Ayguesvives est une petite commune de 2 500 habitants, dont la population a triplé depuis le début des années 70, constat probablement lié à la proximité de Toulouse et de son fort pouvoir attractivité sur le reste de la région….

Mais la commune a une histoire bien antérieure à l’essor urbain des précédentes décennies. Elle tire son nom de l’Occitan « Ayguesvives » qui signifie « eaux courantes » et qui s’orthographie en un seul mot, ce qui est original.

Son histoire locale est marquée, comme la plupart des communes environnantes par les épisodes tragiques des guerres de religion. En effet, les Huguenots vont détruire l’église du village qui sera heureusement reconstruite par la suite…

Ayguesvives est donc considérée comme une commune urbaine, bien desservie par un réseau de Bus et la gare TER voisine de Baziège…. Nous filons vers le centre commercial aperçu lors de notre arrivée : il y a une supérette et de quoi nous acheter à manger pour ce soir ainsi que demain pour la fameuse dernière étape qui va nous mener à Toulouse…

En sortant, nous constatons qu’il y a une Pizzeria et l’envie de pouvoir y diner ce soir s’avère être une hypothèse intéressante. Malheureusement, l’établissement est fermé, conclusion : nous devrons manger au gîte….

Cette fin d’après-midi est agréable, nous en profitons pour découvrir le quartier ancien autour de l’église… Nous apprenons également que Ayguesvives a abrité sur son sol pas moins de cinq châteaux et possède également un passé industriel conséquent mais aujourd’hui révolu… Nous nous arrêtons dans un bar PMU, le seul d’ailleurs qui semble être ouvert à contrario de ceux que nous avons croisés depuis une heure et que nous avons trouvé porte close…

Certes, il ne faut pas s’attendre à trouver ici, la fine fleur de l’intelligentsia locale ni le QG d’un « café Philo » mais plutôt une « sorte de café du commerce », un lieu de convivialité, surtout pour les quelques pochetrons qui sont nos voisins de table. L’un d’entre eux se tourne vers nous en nous demandant si nous sommes des pèlerins, c’est du moins ce que je crois comprendre, du fait de son accent rocailleux aggravé par une diction hésitante qui nécessiterait quelques sous-titrages pour nos « z’oreilles » non averties ….

UNE SOIREE AVEC JACQUES

Au retour, Jacques nous propose de diner avec lui. Malgré nos achats à la superette, il nous invite à déguster la ratatouille niçoise qu’il a cuisinée, arrosée d’une bonne bouteille de vin. Nous sourions sous cape car nous nous rappelons qu’auparavant il avait annoncé qu’il ne servait pas de repas aux pèlerins…

Ce repas inattendu est finalement sympathique, il ne manque plus qu’un petit alcool de prune comme digestif et tout cela serait bien réussi…Notre hôte nous parle de cette fonction bénévole d’hospitalier qui peut être ouverte à tous, du moins ceux qui ont une histoire commune avec le chemin et qui sont pourvus d’une bonne dose d’altruisme. A ce propos, Christèle pourrait être intéressée par ce type d’activités, l’ayant déjà pratiquée comme « aidante » dans un gîte d’hospitalier, il y a quelques années quoique l’expérience fut mitigée du fait d’une hospitalière paradoxalement peu portée sur la foi et le partage avec autrui…gênant, non ?

Jacques est lui un « vétéran » du Chemin, j’apprendrai par la suite qu’il a même commis un ouvrage sur son expérience sur le Chemin du Puy. Il a même tenu un gîte en Espagne, à une époque où ce genre d’endroit était bondé (autre époque) ... nous confiant également avoir jouer les « bons samaritains » sur ce gîte d'Ayguesvives en allant à la rescousse d’un « pèlerin » égaré et en voie de clochardisation qu’il a ensuite recueilli plusieurs jours, le soignant même avec les moyens du bord….

Départ pour Toulouse

Ce Mercredi matin n’est pas un jour comme un autre : il va constituer notre dernière étape, longue de près de 20 kms qui va nous permettre de rallier dans la journée, la Basilique St Sernin de Toulouse, lieu d’accueil des pèlerins sur cette voie que l’on appelle aussi « Via Tolosana » … Bref, l’apogée de ce périple…

Le petit-déjeuner est rapide et nous ne tardons pas à faire nos adieux à Jacques, le remerciant pour son accueil, il nous adresse alors un signe amical de la main tandis que nous quittons le gîte dans la douceur de ce matin d’été, parcourant dans le sens inverse la route que nous avions eu du mal à trouver la veille……