Qu'il est loin mon pays, qu'il est loin
Parfois
au fond de moi se ranime
L'eau verte du canal du Midi
Et la brique rouge des Minimes
Ô mon pai, ô Toulouse, ô Toulouse
Claude Nougaro (1967)
RETOUR SUR LE CANAL
Nous avons quitté Ayguesvives en parcourant des faubourgs encore caressés par les brumes matinales, ce qui ne laisse pas forcément présager que la journée sera très chaude. Il est un peu plus de 7h30 lorsque nous sortons enfin de la ville, en tentant de retrouver non sans difficulté notre chemin car une fois de plus nous déplorons une signalétique qui demeure imprécise à certains endroits.
Nous trouvons finalement un itinéraire mieux balisé qui va nous permettre de regagner rapidement le Canal. Pour ce parcours d’une longueur de 23 km, l’arrivée finale peut s’effectuer avec deux options susceptibles de nous faire rejoindre la Basilique Saint-Sernin de Toulouse, centre d’accueil des pèlerins de la Voie d’Arles…
La première option consiste à longer le Canal avant de bifurquer à la hauteur de Ramonville-Saint-Agne vers les rives de la Garonne qui arrose Toulouse tandis que la seconde demeure fidèle au Canal jusqu’au cœur de la ville Rose…. Nous choisissons cette dernière, plus classique mais comportant sans doute moins d’aléas à subir au niveau du parcours…
Nous avons de nouveau opté pour le transfert du « Sac à dos » via un taxi qui est venu le chercher à Ayguesvives pour le transférer ensuite vers notre gîte du jour qui n’est rien d’autre que l’Auberge de Jeunesse de la ville. Pour info, nous ne resterons qu’une soirée au cœur de cet établissement, les deux autres soirs étant réservés dans un Hôtel près de la Gare de Toulouse-Matabiau…
La chaleur commence à s’imposer sur ces bords du Canal qui sont heureusement bien ombragés, ce qui rend la marche agréable, avec, en ce qui me concerne, le luxe de pouvoir avancer d’un pas guilleret et surtout délesté de mon sac…
Bonne nouvelle : ma douleur au tendon s’est estompée et c’est tant mieux car cela implique que je vais pouvoir aborder « ce final » avec l’esprit bien plus tranquille qu'auparavant. Nous arrivons à la hauteur de l’Ecluse d’Ayguesvives également surnommée « de Ticaille » …
Elle date de 1670, au cœur de ce que l’on appelle la « Voie Verte du Canal du Midi en Haute-Garonne », ce qui correspond de facto au tracé de l’ancien chemin de halage, aujourd’hui en grande partie bitumé et qui couvre la distance de 52 kilomètres qui sépare les environs du fameux Signal de Naurouse de Toulouse….
Comme nous sommes un mercredi, nous croisons assez peu de monde, sinon quelques armadas de cyclistes puis notre regard est attiré par un couple de Britanniques qui avance allègrement à bord d’un pédalo qui flotte dans la direction opposée à la nôtre.
Ils nous adressent un salut poli auquel nous répondons avec promptitude tout en les encourageant simultanément dans leur effort. La prochaine écluse, qui nous sert toujours comme « marqueur » de notre avancée est celle de Montgiscard qui n’est plus qu’à trois kilomètres d’ici et que nous atteignons dans la demi-heure qui suit.
Elle date de la même époque de celle d’Ayguesvives mais aura vu l’évolution de son usage au fil du temps. C’est ce que l’on appelle à présent, une « écluse à chambre unique » après avoir été « à chambre double » avant le programme de modernisation du canal du Midi dans les années 1970, quand plusieurs de ces chambres multiples ont été converties en écluses profondes simples avec des murs latéraux en béton….
Nous atteignons bientôt Montgiscard, qui ne tient pas son nom d’un ancien Président de la République mais plutôt de celui d’un Lieutenant de Charlemagne, nommé Guiscard, qui de retour d’Espagne aurait décidé de s’installer en ce lieu champêtre entouré des premières collines (« Mons ») du sud Toulousain…
C’est une commune à l’aspect encore rural (qui fut au XIXème siècle, un important marché aux Bestiaux) et qui doit compter désormais près de 2 000 habitants, ayant cependant vu sa population tripler depuis 1968, comme d'ailleurs la plupart de ces communes de l’Agglomération Toulousaine et de sa zone d’emploi. Elle accueille un nombre croissant de « néo-ruraux » qui profitent d’un environnement bucolique le week-end mais qui regagnent « la Métropole » chaque matin de la semaine pour aller y gagner leur vie…
Mais l’évidente tranquillité actuelle de Montgiscard ne doit pas faire oublier qu’elle fut jadis le théâtre de plusieurs évènements tragiques, notamment durant l’épisode Cathare lorsque le seigneur de la ville préféra s’allier à Simon de Montfort, chef des Croisés, ce qui provoqua la fureur du Comte de Toulouse qui rasa le village et détruisit le Château voisin de Balbèze….
Au XIVème siècle, Edouard de Woodstock, Prince de Galles et d’Aquitaine, plus connu sous le nom de « Prince Noir » qui s’était illustré durant la Bataille de Crécy (1346) où il se trouva dans le camp des vainqueurs mais massacra ensuite des prisonniers français sous prétexte qu’ils avaient voulu intenter à sa vie. Ces exactions furent condamnées car contraire aux codes de la Chevalerie et lui furent même reprochées par l’autorité royale.
Cependant, cela n’empêcha pas, le très zélé « Prince Noir » de semer la terreur sur cette région du Lauragais en incendiant Montgiscard en 1355 ainsi que la plupart des villes des environs dont Castelnaudary ou encore Avignonet, qui décidément aura été marqué par les évènements tragiques…
Le Prince Anglais avait pour dessein de « miner » le moral des troupes français, même si ces territoires étaient conquis depuis longtemps par la « perfide Albion » .au cœur de cette interminable « guerre de cent ans » ….
Nous quittons Montgiscard, qui a également la particularité d’avoir conservé un vaste lavoir qui jouxte le canal mais qui reste probablement le seul qui n’a pas disparu sur cette partie du Canal du Midi….
Le Pont de Donneville qui enjambe le Canal est bientôt atteint : c’est un édifice majestueux tout en brique rouge de Toulouse datant du XVIIe et que l’on doit à Riquet mais qui a connu des fortunes diverses comme il est de coutume dans cette contrée Occitane.
Un autre épisode de la Guerre Franco-Anglaise de 1814 s’est produit dans cette région qui fut le théâtre de la Bataille de Toulouse, opposant les troupes du Marechal Soult, rapatriées d’Espagne et repliées sur la Ville Rose à celle de son Homologue anglais Wellington (vainqueur de Waterloo, comme chacun sait). Soult décida de quitter la ville vers l’Est et pour préparer sa retraite, il fit sauter le Pont de Donneville qui sera heureusement reconstruit à l’identique en 1821…
Nous faisons une petite halte près de la maison de l’Eclusier avant de rejoindre l’écluse de Vic, située sur la commune de Castanet-Tolosan… L’ouvrage est contemporain de celui de Montgiscard, étant toujours une écluse à chambre unique
A douze kilomètres du centre de Toulouse, Castanet-Tolosan est devenue une banlieue à part entière, dotée d’un Terminus de Bus interurbains et qui compte près de 14 000 habitants, ayant vu sa population multipliée par dix depuis 1968.
Mais la commune dont l’étymologie évoque la « châtaigne » a cependant une histoire très ancienne : dès le début de l’ère Chrétienne, elle fut un carrefour routier de premier ordre sur la voie Romaine entre Narbonne et Toulouse et sur la route des Pyrénées. Elle connut également le même sort que sa voisine Montgiscard lors des exactions orchestrées par le sanguinaire Prince Noir qui pilla et incendia le village.
Au XVIIème siècle, cette « ville trait-d’union » entre le Lauragais et la périphérie toulousaine profita de la construction du Canal du Midi, possédant d’ailleurs deux écluses sur son territoire : celle de Vic ainsi que l’écluse dite de « Castanet » située en aval mais de facture plus modeste.
Nous décidons de faire une pause car une « guinguette » située de l’autre côté du Canal nous parait sympathique avec sa terrasse ombragée sur laquelle sont installées des chaises longues….Nous y prenons d’ailleurs place après nous être débarrassés de nos chaussures de randonnée. L’endroit idéal pour prendre l’apéro et contempler la vie tranquille du canal…
« Et la péniche s'en va entre les platanes des rives, qui donnent l'ombre la plus lumineuse qui soit ».
Georges Simenon
C’est vrai, l’environnement est agréable, imprégné d’une ambiance « à la Simenon » dont je suis friand et j’ai raison de le penser : en 1931, lors de son fameux périple sur les Canaux De France, l’auteur de « Maigret » traversa le Canal du Midi et y coucha par écrit ses premières impressions sur la beauté des lieux et constatons que cela n’a pas pris une seule ride même si les platanes ont en grande partie disparus sur les rives…
Outre le passage de la « Voie d’Arles » et de la « vaste piste cyclable », le Canal connait aussi l’expansion du « Tourisme Fluvial ». En effet, on peut y connaitre les joies de la « croisière » en louant un bateau ou toute autre péniche, le temps d’un week-end prolongé, d’une semaine voire d’une quinzaine sans avoir le permis ni aucune connaissance au préalable mais juste en suivant une courte initiation dispensée par le loueur, concernant les manœuvres de pilotage et d’accostage.
Contrairement à ce que l’on pourrait craindre, le passage des écluses est assez simple et ne présente aucun danger particulier, à condition toutefois de respecter les consignes de sécurité les plus élémentaires. Ainsi le « novice » pourra naviguer sans difficultés entre mars et novembre. La vitesse moyenne de « croisière » est d’environ 6 kilomètres à l’heure (à titre de comparaison, un « marcheur » effectue 5 kilomètres à l’heure sur ce type de surface plate), ce qui permet de pouvoir admirer les paysages environnants et de pouvoir accoster à votre guise afin de faire une belle balade à vélo ou tout simplement se dégourdir les jambes ….
Les soixante-trois écluses du canal du midi (dont la grande majorité ont des sas ovales) forment un ingénieux système pour faire passer les paliers entre les différentes dénivelées….Il est clair que l’appréhension doit dominer le « navigateur » débutant lorsqu’il assiste pour la première fois au « remplissage » des écluses. Le respect des consignes de sécurité reste primordial : on ne peut bien sûr s’engager que lorsque la signalisation est « au vert » ….
« Et la péniche s'en va entre les platanes des rives, qui donnent l'ombre la plus lumineuse qui soit ».
Georges Simenon
C’est vrai, l’environnement est agréable, imprégné d’une ambiance « à la Simenon » dont je suis friand et j’ai raison de le penser : en 1931, lors de son fameux périple sur les Canaux De France, l’auteur de « Maigret » traversa le Canal du Midi et y coucha par écrit ses premières impressions sur la beauté des lieux et constatons que cela n’a pas pris une seule ride même si les platanes ont en grande partie disparus sur les rives…
Outre le passage de la « Voie d’Arles » et de la « vaste piste cyclable », le Canal connait aussi l’expansion du « Tourisme Fluvial ». En effet, on peut y connaitre les joies de la « croisière » en louant un bateau ou toute autre péniche, le temps d’un week-end prolongé, d’une semaine voire d’une quinzaine sans avoir le permis ni aucune connaissance au préalable mais juste en suivant une courte initiation dispensée par le loueur, concernant les manœuvres de pilotage et d’accostage.
Contrairement à ce que l’on pourrait craindre, le passage des écluses est assez simple et ne présente aucun danger particulier, à condition toutefois de respecter les consignes de sécurité les plus élémentaires. Ainsi le « novice » pourra naviguer sans difficultés entre mars et novembre. La vitesse moyenne de « croisière » est d’environ 6 kilomètres à l’heure (à titre de comparaison, un « marcheur » effectue 5 kilomètres à l’heure sur ce type de surface plate), ce qui permet de pouvoir admirer les paysages environnants et de pouvoir accoster à votre guise afin de faire une belle balade à vélo ou tout simplement se dégourdir les jambes ….
Les soixante-trois écluses du canal du midi (dont la grande majorité ont des sas ovales) forment un ingénieux système pour faire passer les paliers entre les différentes dénivelées….Il est clair que l’appréhension doit dominer le « navigateur » débutant lorsqu’il assiste pour la première fois au « remplissage » des écluses. Le respect des consignes de sécurité reste primordial : on ne peut bien sûr s’engager que lorsque la signalisation est « au vert » ….
METRO, CE N'EST PAS TROP..
En 1980, le conseil municipal de Toulouse présidé par Pierre Baudis vote le principe de création d’une ligne de Métro qui devra traverser la ville du nord-est au sud-ouest afin de pouvoir réduire la « congestion automobile » que rencontre quotidiennement une agglomération dont la population ne cesse d’augmenter (plus de 100 000 habitants supplémentaires en une décennie, la ville compte à présent 485 000 habitants inclus dans une agglomération dépassant le million).
La quatrième ville de France compte bien rejoindre alors Paris, Marseille Lyon et Lille dans la catégorie des villes « Métropolitaines » …mais ce projet ne deviendra réalité que treize ans après en 1993 avec l’inauguration de la première ligne de métro par l’ancien journaliste vedette de TF1 et FR3, Dominique Baudis, qui a succédé à son père à la Mairie de Toulouse.
Le métro Toulousain utilise la technologie du véhicule automatique léger (« le VAL ») sur pneumatiques qui est développée par la société Matra et qui a déjà été mis en place à Lille, dix ans plus tôt et qui le sera également dix ans plus tard à Rennes qui rejoint le club des « Villes métros » …
Depuis, Toulouse s’est équipée d’une deuxième ligne, inaugurée en 2007 et projette d’en ouvrir même une troisième à moyen-terme afin de desservir l’axe Est/Ouest de la ville.…Actuellement, le Métro Toulousain compte 37 stations avec une seule interconnexion entre la ligne A et B située à la Station Jean-Jaurès en plein Centre-ville. Nous comptons descendre à la station Caffarelli, située non loin de notre point de chute de ce soir : l’auberge de Jeunesse, dite la « Petite auberge de Saint Sernin » …
Lors de notre « voyage souterrain », l’annonce des stations est faite en deux langues : En Français et dans une autre langue, dont j’ai du mal à reconnaitre l’origine, jusqu’à ce que je comprenne qu’il s’agit de l’Occitan !
En effet, depuis les lois de Décentralisation de 1982, de nombreux affichages « bilingues » sont apparus dans certaines régions et villes de l’Hexagone : outre l’Aquitaine et l’Occitanie, on en trouve notamment en Bretagne, au Pays Basque, en Provence, Pyrénées Orientales, Alsace ou bien sûr en Corse ainsi que l’on redécouvre l’enseignement des langues régionales dans les écoles et lycées, après plus d’un siècle de « bridage » linguistique jacobin…
Notre « voyage » dure une dizaine de minutes et tous les passagers de la rame sont « masqués » car le port du masque est obligatoire sur toute la ville à la suite d’un récent décret municipal. Pourtant, dans cette partie du sud-ouest de la France, les populations ont été beaucoup moins affectées que celles du nord et nord-est de la France même si les règles de « confinement total » ont été (presque) respectées ici comme partout ailleurs….
Toulouse nous apparait au grand jour, il y fait très chaud et le port du masque auquel nous sommes peu familiarisés à l’époque s’avère rapidement difficile à supporter mais nous avons l’esprit ailleurs car nous ne sommes qu’à une centaine de mètres de la Basilique Saint-Sernin dont nous apercevons le clocher et qui va ainsi marquer « la consécration » de notre périple.
C’est aussi la découverte d’un « cœur de ville » qui ressemble beaucoup à ceux que nous avons parcourus depuis une dizaine de jours, avec ses petites places et ses maisons colorées ne dépassant pas les trois étages.
Des bâtisses qui sont coiffées de ces tuiles plates sur des toits en pente qui sont « l’ADN de Toulouse » comme l’écrivait le quotidien local « La Dépêche du Midi » mais qui seraient menacées de disparition au nom de « l’uniformité architecturale » : en effet, la croissance urbaine de Toulouse à fait pousser de nombreux toits en terrasse et des tours et comme le déplore le journal et qui pourrait reléguer ces « pincées de tuiles » en « vieux souvenir d’un temps révolu » ….
Nous débouchons sur la place St Sernin et face à nous se dresse la Basilique et nous savourons ce moment, un peu à la manière d’un vainqueur d’une étape du tour de France à « l’Alpe d’Huez » mais en étant beaucoup moins essoufflés….
La « photo-souvenir » s’impose afin de célébrer dignement l’évènement. La place est plutôt animée, surtout par une bande de marginaux qui a élu « campement » contre le mur du musée St Raymond qui nous fait face… Des cartonnages, des couvertures, des chiens assoiffés et leurs maîtres qui compensent en ingurgitant quelques canettes de bière….
Pour situer, nous sommes donc arrivés au « cœur de Toulouse » un espace urbain très ancien et pas forcément très étendu comme nous pourrons le constater un peu plus tard, coincé entre les rives de la Garonne à l’Ouest et celle du Canal du Midi, à l’est…
Au nord de ce centre historique, s’étend le quartier populaire des Minimes tandis qu’au sud-ouest s’étale ceux du Mirail, composés de grands ensembles sortis de terre dans les années 60….Toulouse intra-muros est une ville qui a une superficie pratiquement égale à celle de Paris avec 11150 hectares mais bien plus étendue que Lyon qui a une population similaire…
La « Ville Rose » ne comptait que 50 000 habitants à la Révolution Française pour n’en atteindre que 150 000 au lendemain de la Première guerre mondiale puis 260 000 après 1945 pour enfin connaitre un nouveau « pic de croissance » à partir des années 60… avec la construction de nouveaux quartiers résidentiels et surtout de grands ensembles….
SAINT SERNIN, TERMINUS DES PELERINS
« Tu es entré dans cette église incognito : en badaud, en croyant, en touriste ? Qui sait ? Même toi, sans doute, tu ignores dans quelle catégorie te mettre et cela n'a aucune importance. Ce qui compte n'est pas ce que tu viens faire, mais ce que tu es. ».
Panneau d’accueil-Basilique Saint Sernin
C’est vrai qu’elle en impose, cette vaste église romane de brique et de pierre d’une longueur de 115 mètres, la plus grande de France avec son clocher d’une hauteur de 67 mètres.
Elle fut construite entre le Xème et le XIIème siècle devant ce vaste sanctuaire qui abrite les reliques de Saint-Saturnin (d’où le nom a été déformé) qui fut le premier évêque de Toulouse, martyrisé en 250 parce qu’il refusa d’abjurer sa foi face à des « prêtres » païens.
Mais de nombreuses autres reliques sont conservées au cœur de cette « église de pèlerinage » que l’on parcourt via le Déambulatoire, ce dispositif qui permet de pouvoir admirer la beauté des lieux sans pour autant perturber les « offices des Chanoines ». Le chevet de l’Eglise entoure le « tombeau » de Saint-Saturnin qui est élevé sous le baldaquin baroque qui a remplacé au XVIIIème siècle le précédent élevé au XIIIème, en pleine période Gothique.
Le « Tour des Corps Saints » est un autre déambulatoire dont les piliers et les colonnes sont ornées des chapiteaux les plus anciens de la basilique. Il présente à la vénération des fidèles les nombreuses et précieuses reliques qui sont abritées en ces lieux…notamment à l’intérieur de cinq chapelles où ont été creusées des « niches » destinés à accueillir les Saints les plus populaires… Nous découvrons la statue de ce bon Saint Roch, « Patron des pèlerins » dont nous avions évoqué la pieuse et rude existence au cours de l’épisode 2 (« Bienvenue en Occitanie »).
Il est à déplorer la disparition d’une grande partie des reliquaires et autres pièces d’orfèvrerie qui constituaient le « trésor » de Saint-Sernin ont disparu au moment de la révolution Française, période de « déchristianisation » frénétique…. Heureusement, certaines reliques ont pu être sauvées et sont abritées au sein des cryptes supérieures et inférieures avec leurs chapelles dédiées notamment aux châsses de plusieurs apôtres, dont ceux de Saint Philippe et surtout de Saint-Jacques le Majeur que l’on ne présente plus….
La communauté chrétienne de Toulouse se réunit ici chaque 29 novembre pour célébrer la Fête de Saint-Saturnin et c’est l’occasion de vénérer toutes ces reliques, aussi bien celles du premier évêque de Toulouse que de ses successeurs… Enfin, la basilique est inscrite au Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis 1998.
Nous ne pourrons cependant pas faire apposer le dernier tampon sur la Crédenciale car la permanence « Pèlerins » qui est habituellement tenue par l’association des « Amis des chemins de Saint-Jacques en Occitanie » est pour l’instant fermée. Elle n’ouvrira qu’à 17 heures…. Nous y reviendrons afin de pouvoir « boucler la boucle » de notre périple…
LA PETITE AUBERGE SAINT SERNIN
L’auberge de Jeunesse a élu domicile rue d’Embarthe, une artère étroite mais animée qui est située à une centaine de mètres du quartier de la Basilique et où nous allons passer notre première « nuit Toulousaine ».
C’est un bâtiment assez ancien mais « refaçonné » à la mode actuelle. Pour pénétrer à l’intérieur, il faut passer par la grille et l’entrée ne peut être effectuée que par interphone et digicode !...Je souris, cela fait plus de trente ans que je n’ai pas mis les pieds dans ce type d’établissement a contrario de Christèle qui les a fréquentés au cours de ces précédents périples.
Il faut savoir qu’il n’y a plus de « limite d’âge » malgré ce vocable « de jeunesse » pour réserver dans ce type d’hébergement. Au début des années 80, date à laquelle je les fréquentais, l’âge maximal était de 30 ans, aujourd’hui il est clair que ce seuil a été élargi pour cause de rentabilité….
Nous héritons d’une chambre assez large qui ressemble plutôt à celle de nos précédents hébergements, avec six lits superposés, une salle de bains assez spacieuse et un balcon qui donne sur le parc de l’Auberge….
La mixité a également fait son entrée dans les « AJ » ce qui n’était pas le cas en 1980 mais c’est surtout le confort qui a fait un « grand bond en avant », je me souviens d’une auberge fréquentée en hiver à Yport, près de Fécamp où il n’y avait pas de chauffage et que les draps sentaient le moisi… Autre temps, autres mœurs…
Une fois de plus, nous serons les seuls occupants de la chambre. Nous profitons du balcon pour étendre nos affaires sur le séchoir et surtout pour savourer la vue de ce petit coin de verdure en plein centre-ville. Durant, ce séjour Toulousain, Christèle compte retrouver quelques connaissances et surtout contacter l’ami d’une collègue de travail susceptible de lui donner la liste des coins sympas à découvrir dans la ville Rose mais également des « tuyaux » sur une future randonnée qu’elle compte faire l’an prochain autour des forteresses Cathares, entre Aude et Ariège que connait bien, semble-t ’il, l’ami de sa collègue qui s’appelle d’ailleurs Stéphane.
LE SOUVENIR DE MARC SANGNIER
La première « auberge de jeunesse » en France a été créée en 1929, sous l’impulsion du publiciste Marc Sangnier, député démocrate-chrétien, leader du « Sillon » qui a acheté le château de Bierville, lieu-dit de la commune de Boissy-la-Rivière, près d’Etampes (alors Seine et Oise, Aujourd’hui Essonne) au cœur de la Haute-Vallée de la Juine.
A quelques centaines de mètres de sa propriété, Marc Sangnier a créé le Foyer de la Paix situé au cœur du village et qui devient un lieu de rassemblement pour les jeunes du monde entier, dont le dénominateur commun est animé par un sentiment de fraternité démocratique.
Une tour de la Paix (qui existe toujours) et ses dépendances sont construites sur un vaste terrain surplombant l’auberge qui fait face à l’église de Boissy.Le nom des rues du village garde le souvenir de ces grands rassemblements de la jeunesse avec des noms tels que : « rue de l’Egalité », ou « rue de la Fraternité ».
A l’instar de Boissy la Rivière, dans la même région du Sud de l’Essonne, Chamarande, autre village pittoresque situé près d’Etréchy, est surtout connu pour son château du XVIIème siècle et son magnifique parc mais on a oublié que ce fut à la même période le « Haut-lieu » du Scoutisme en France avec le même type de rassemblements pacifistes mais dans la mémoire du mouvement, « Cham » reste une référence absolue….
La commune de Boissy la Rivière est aujourd'hui propriétaire de la plus ancienne Auberge de Jeunesse de France, de la tour et ses annexes et d'une grande partie du Chemin de la Roche du Paradis.
L’Auberge a été restaurée et peut accueillir à présent jusqu’à 33 couchages. Quant au Château de Marc Sangnier, Il est devenu le centre de formation des élus et cadres du syndicat réformiste CFDT, émanation de la CFTC….
RETOUR A LA BASILIQUE ET FIN DU PERIPLE
Nous pénétrons dans la Basilique, effectuant une nouvelle visite un peu plus approfondie que la fois précédente puis nous nous dirigeons vers l’accueil réservé aux pèlerins et qui est situé non loin de l’Autel….
Un couple est assis face à une table recouverte de livres et de brochures. Ils sont membres des « Amis de Saint Jacques en Occitanie », une association Loi 1901, d’essence laïque mais dont la vocation est la découverte des Chemins de Saint-Jacques, la préservation du patrimoine Jacquaire et bien sûr l’accueil des Pèlerins…
Outre la Voie d’Arles, leur zone d’influence s’étend au Chemin du Puy, du moins le parcours qui s’étend de Conques (Aveyron) à Toulouse ainsi que la Via Garona (qui longe la Garonne entre la Ville Rose et la partie sud de la Haute-Garonne).
Nous leur confions nos « passeports » pour valider la fin de notre parcours et narrons un peu notre périple, nous leur parlons de Jacques, qu’il connaisse et qui est d’ailleurs un membre actif de l’association…. Ils ne tarissent pas d’éloges à son propos.
Nous la jouons « diplomatique » (« hypocrite ? ») en le trouvant effectivement « sympathique » bien qu’en secret, comme vous avez pu le constater auparavant, notre jugement à son endroit est beaucoup plus mitigé mais l’heure est à l’indulgence….
Ce dernier coup de tampon apposé sur la Crédenciale marque ainsi la fin d’un périple » qui a commencé dix jours plus tôt en sortant de la Gare de Béziers et qui nous aura permis de découvrir les mille et une facettes de cette nouvelle région « Occitanie » née de la fusion des régions Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées, en découvrant le Haut-Languedoc, le Massif du Sidobre, la Montagne Noire, Le Lauragais fertile et enfin la ville Rose….
A titre personnel, je ne suis pas peu fier d’avoir pu « boucler » ce périple que je n’imaginais pas faire un jour sans la proposition de Christèle. Naguère, j’avais suivi par correspondance ses « exploits » sur le chemin du Puy, via le « Camino Francés » jusqu’à son arrivée à Compostelle, après un périple par intermittence s’étalant sur cinq ans entre 2010 et 2015 avec plus de 1 500 kilomètres parcourus…
Si le soleil d’Août a salué notre arrivée à Saint Sernin, c’est alors la pluie qui avait accueilli Christèle devant la Cathédrale de Santiago qui d’ailleurs subissait en outre une vaste campagne de restauration… Au métro que nous avons choisi pour faire les derniers kilomètres, elle avait ensuite accompli l’ultime « voyage pour les pèlerins » vers le Cap Finisterre en… autocar…
Certes, cette « voie d’Arles » version 2020 n’a rien à voir avec le périple précédemment cité pour des raisons évidentes : nous n’avons parcouru que 200 kilomètres et surtout la crise sanitaire est passée par là, faisant chuter la fréquentation dudit Chemin de façon vertigineuse, empêchant toute rencontre avec des pèlerins venus de tous les pays et qui forgent parfois des relations solides comme Christèle avait pu les forger auparavant….
Cependant, le novice que je suis aura quand même pu « s’imprégner » de l’atmosphère que cette voie suggère…ce n’est déjà pas si mal et plutôt inspirant, en témoigne ce long récit de voyage….