QUATRIEME EPISODE
ANGLES/BOISSEZON
DANS LA SOLITUDE DU CHEMIN
"Marcher, c’est retrouver son instinct primitif, sa place et sa vraie position, son équilibre mental et physique. C’est aller avec soi, sans autre recours que ses jambes et sa tête. Sans autre moteur que celui du cœur, celui du moral »
Jacques Lanzmann
CARREFOUR DES RELIGIONS
Nous voici donc arrivés au cœur d’Anglès, parfois appelé Anglès-du-Tarn comme pour rappeler l’appartenance de ce village fortifié à un département dont il ne faisait pas partie à l’origine.
En effet, lors de l’apparition de ces nouveaux territoires, issus de la Révolution Française, il était rattaché au département voisin de l’Hérault et dépendait de l’Evêché de Saint Pons-de-Thomières mais la création d’un nouveau canton l’a intégré dans le département voisin.
Le village, situé entre la Montagne Noire et le Plateau de Somail, serait né au XIII -ème siècle et fut d’abord appelé « Castrum de Angulis » à cause de la forme rectangulaire de son enceinte…
Longtemps isolé et par conséquent peu atteint par les invasions, Anglès subit cependant les guerres de religions qui firent rage dans cette partie du Haut-Languedoc au XVI -ème siècle au cours duquel s’affrontèrent les Protestants qui étaient majoritaires et les Catholiques minoritaires et qui ne s’apaisèrent qu’au moment de l’Edit de Nantes…
Promulgué en 1598 par le roi de France Henri IV, cet Edit accorda aux Protestants toutes sortes de droit : de culte, civils et politiques dans une grande partie du Royaume et qui permit de facto de mettre un terme au conflit interminable entre ces deux mouvances du Christianisme….
Mais en 1685, Louis XIV décida de révoquer le même Edit et d’en promulguer un nouveau dit « de Fontainebleau » qui rendaient caducs les droits accordés auparavant aux Protestants, appartenant selon lui à une religion en voie de disparition. En fait, il cherchait surtout, en bon monarque absolu, à réaffirmer son autorité dans chaque partie du royaume et bien évidémment d’éradiquer tout mouvement réfractaire à son pouvoir….
Une série de persécutions ou de conversions forcées orchestrées à l’encontre des protestants, incita un bon nombre de ces adeptes à fuir vers des pays étrangers jugés plus tolérants (Angleterre, Suisse, Etc.) …
Il existe toujours un Temple sur la Commune qui cohabite à présent avec l’Eglise. « Le désert Protestant » provoqué par la fuite et l’émigration au XVII e siècle a transformé Anglès-du-Tarn en « Etape sur le Chemin d’Arles vers Saint Jacques de Compostelle » …entre la Salvetat et Boissezon…
Nous progressons sur la Place centrale d’Anglès pour nous poser au Café-Tabac-Restaurant des Tilleuls, « Chez Marie-Jo et Daniel » …. Une fois encore, qu’il est bon de pouvoir se débarrasser de ce « maudit sac à dos » et de retirer avec délectation ses chaussures pour aérer des pieds fatigués !
A première vue, l’établissement n’est pas très fréquenté, tout comme les environs : rien à voir avec l’animation rencontrée hier à la Salvetat sur Agout… Derrière nous, se dresse la Mairie et sur le côté une épicerie et sa devanture…. Face à nous, la rue principale et quelques maisons dont les murs sont recouverts d’ardoise…
Anglès ne compte plus que 500 âmes et ressemble beaucoup à ces villages de moyenne montagne qui sont marqués par un inexorable déclin que le temps qui passe ne peut enrayer….
Pourtant, au XIXe siècle, la petite cité connut une grande prospérité économique grâce à son intense activité métallurgique qui fit monter la population à plus de 3000 habitants. C’était l’époque où le Tarn était le deuxième département le plus industrialisé de l’ancienne région Midi-Pyrénées grâce aux secteurs de la Mine, de la tannerie ou du Textile…tout étant un territoire encore fortement agricole……
Aujourd’hui, tout cela appartient à un passé révolu mais Anglès, à l’instar de la Salvetat est encore un territoire qui tente de « résister » à la désertification (cette fois-ci pas pour des raisons religieuses mais plutôt économiques) en réussissant à maintenir des services publics sur la Commune et surtout quelques commerces….
En outre, la commune est remarquablement située au cœur du Parc Naturel du Haut-Languedoc, non loin des Monts de Lacaune, c’est également une « station verte » voisine des lacs des Saint-Peyres et de la Raviège où plusieurs infrastructures touristiques ont été construites permettant un relatif essor du tourisme de plein air : pêche, baignade, nautisme, randonnées et VTT….
Après la lente agonie de l’industrie manufacturière constatée au début des années 60 (mais qui comme chacun sait ne concerne pas ce seul bout de territoire, mais également l’ensemble de l’Hexagone), cette région a donc « misé » sur le créneau porteur du tourisme, alors que « la société des loisirs » commençait à être ancrée dans tous les esprits….
Nous n’en saurons pas plus car notre camarade de chambrée rentrera effectivement très tard, tissera comme prévu quelques liens sur la toile avant de tomber comme nous dans les bras de Morphée……Communication breakdown….
Située entre Cévennes et Méditerranée, la petite cité d’Anglès est donc à la croisée des chemins (dont celui de Compostelle) et des climats : plutôt très chaud l’été et assez rude l’hiver, avec des pluies intenses et souvent de la neige qui s’invitent dans ces régions de moyenne montagne…. Sa proximité avec les agglomérations de Castres et Mazamet n’en font pas une « citadelle » perdue au milieu du désert mais plutôt une Oasis qui tenterait tant bien que mal de résister aux assauts d’un milieu naturel hostile….
En sirotant une salvatrice boisson désaltérante, nous abordons la conversation avec un de nos voisins de table que nous pensons être un « pèlerin ». C’est en fait un « routard » originaire de Toulouse et qui a entrepris de faire le tour de la région des Lacs. Il est parti en solo pour une semaine et nous confie avoir rencontré des problèmes de signalétique sur son itinéraire, à l’instar d’autres cheminants égarés ou s’aiguillant mal sur des GR et PR qui se croisent….
Il est à présent grand temps d’appeler notre hôte pour la nuit, il s’agit de Monsieur Alain Paul, propriétaire de la Bastide-Saint-Paul (ça ne s’invente pas) qui tient ce gîte d’Etape avec son épouse Françoise… Ce dernier vient nous chercher en voiture mais nous le suivons à pied pour nous amener chez lui, à quelques centaines de mètres de la place du village… C’est une ancienne demeure datant du XVIIe siècle qu’il a lui-même « retapée » pour en faire des chambres d’hôtes avec tout le confort moderne qui s’impose…
Le gîte est constitué de 2 chambres d’hôtes en lits doubles et d’un dortoir de 8 couchages avec deux belles salles de bains… C’est là que nous nous installons…notre hôte nous précise qu’il y aura une tierce personne avec nous… Une pélerine ? Pas vraiment, il s’agit d’une femme seule qui a déjà posé ses affaires et qui est partie on ne sait où pour faire où ne sait quoi mais qui devrait revenir tard dans la soirée afin d’envoyer des courriels à son fils qui se trouve de l’autre côté de l’Atlantique grâce au connecteur Wi-Fi que lui a gracieusement prêté ce bon monsieur Paul…
Anglès- "La Cathédrale de la Montagne"
Le dortoir est assez spacieux, avec ses lits jumeaux et autres superposés, bien dans l’esprit du gîte d’Etape avec son poêle qui trône dans un coin de la pièce ainsi qu’une bibliothèque sur laquelle sont stockés quelques guides, livres et revues….
La pièce est reliée à la salle de séjour par une porte qui est curieusement fermée. Monsieur Paul nous fait remplir les formalités habituelles, tamponnent nos crédenciales (même de fortune) et nous nous apercevons qu’il semble totalement étranger aux mesures post-confinement : il ne porte pas de masque (tout comme son épouse) et n’a pas mis à disposition de gel hydroalcoolique….
LES GESTES PAS VRAIMENT BARRIERES
Un tel laxisme en cette période de crise sanitaire nous interpelle quelque peu mais les hôtes sont serviables et plutôt accueillants et ce deuxième jour de randonnée nécessite une première lessive car nos habits de pèlerins sont déjà imprégnés de nos efforts de la journée puis il faudra penser à anticiper ce qui sera un rituel par la suite : le repas du soir et celui du lendemain midi…la logistique, une constante du « Chemin » ….
Nous retournons sur la Place du Village, en découvrant l’Eglise d’Anglès, surnommée « la Cathédrale de la Montagne ». Cet édifice religieux a été reconstruit au XVII e siècle, après avoir été incendié par la majorité Huguenote durant la Guerre de religion… et semble à présent cohabiter paisiblement avec le Temple protestant situé à quelques mètres…
C’est clair, l’animation du village n’est pas du tout la même que celle de la Salvetat : moins de touristes dans les ruelles, moins de monde à la terrasse du café et surtout moins de commerces….
Pourtant, Anglès-du-Tarn est une étape incontournable sur le « Chemin » entre la Salvetat et Castres, du moins pour ceux qui aiment les étapes « raisonnables », à savoir des parcours quotidiens de 15-20 km… (alors que d’autres, plus sportifs, n’hésitent pas à faire les 36 kms dans la journée, sans étape) ….
Avant de faire les courses à la Superette, nous découvrons une plaque apposée sur le mur de l’Hôtel de Ville sous le Haut-Patronage de l’Académie d’Agriculture de France qui rappelle qu’en 1946 dans cette commune fut recueilli un échantillon de graine de maïs base de la population dite « Lacaune ». A partir de cette ressource génétique, l’Institut National de Recherche Agronomique a sélectionné des lignées qui sont à l’origine de nombreux hybrides qui ont permis d’étendre la culture du mais au-delà de sa zone traditionnelle d’adaptation jusqu’aux pays du Nord de l’Europe » ….
Retour au gîte d’Etape, « la Bastide Saint Paul » également appelé le « Dojo », ce qui peut paraître insolite dans un tel lieu : les pèlerins se transformeraient-ils en judokas le temps d’une étape ?
UNE DISCUSSION A BATONS ROMPUS
Alain Paul, le « Maître des lieux » est en fait un adepte de l’Aïkido, cet art martial né dans la première partie du XXe au Japon et composés de trois Kanjis : « Ai » qui signifie Harmonie, « Ki » énergie et « Do » la Voie…. Il se pratique aussi bien avec des armes qu’à mains nues et peut finalement se traduire par « la voie de la concordance des énergies » …. Le respect de l’adversaire et l’absence de compétition sont les principaux préceptes de cet art qui n’a pas connu en France le même engouement que le Judo ou le Karaté…
Notre Aïkidoka du Tarn propose donc des séances d’entrainement ou d’initiation à cet art martial méconnu. La salle est située au sous-sol du gîte mais pour cause d’absence cruelle de pèlerins, elle est pour l’instant fermée…
Le couple Paul est retraité et est originaire des Alpes-Maritimes…Lui y exerçait la profession de psychomotricien puis de …navigateur, tandis qu’elle était dessinatrice-décoratrice…. A l’orée des années 2010, ils décident de quitter leur département natal pour s’expatrier dans le Tarn afin de retaper une maison composée de chambres d’hôtes. « Mon mari a tout refait, c’était un gros travail » indique fièrement Mme Paul, tandis que cette dernière a apporté la « touche artistique » à l’ensemble….
Cette région du Haut-Languedoc, certes à des « années-lumière » de l’effervescence de la Côte d’Azur, présente de nombreux atouts touristiques dont nous avons déjà parlé et ces « nouveaux arrivants » souhaitent allier leur goût de l’hospitalité à celui de l’énergie positive que dégage l’endroit (sic)….
Moins de dix ans après, ils sont toujours là même si les temps actuels sont bien durs. Il y a encore un an, Anglès était un lieu d’étape assez prisé : pas moins de 650 pèlerins s’y sont arrêtés avec une offre d’hébergement variée : outre la Bastide Saint-Paul, le gîte Communal et plusieurs gîtes dans les hameaux environnants…
Cette année, c’est plutôt Waterloo, morne plateau…. Plusieurs sites cherchent des repreneurs ou n’ont pas réouvert comme celui de Monsieur Passeport (ça ne s’invente pas) et que Christèle avait sélectionné au départ avant de se replier sur Monsieur Paul, le Samouraï qui refuse d’hiberner….
C’est l’heure du repas, ici dans ce gite, pour mémoire, il y a trois configurations possibles dans les hébergements : la première, c’est le pèlerin qui s’occupe de tout : de l’achat à la préparation du repas.
La deuxième : c’est l’hébergeur qui prépare le repas : soit comme « donativo » : vous donnez ce que vous pouvez ou voulez et enfin la troisième, c’est l’autogestion : vous achetez puis vous préparez vous-même votre collation dans la cuisine que l’on vous prête, c’est le cas de la « Bastide ». Le repas sera rapide et frugal : une omelette et un yaourt tout en discutant avec le couple Paul….
La cuisine est bien équipée, elle jouxte avec une grande salle de séjour où trône une vaste table ou nous sera servi le petit déjeuner demain matin….
Nous rencontrons un couple de « cheminants », des personnes âgées, plus des promeneurs que des pèlerins, que nous avions d’ailleurs croisées au « café du village », Madame se plaignait d’avoir beaucoup de « cash » sur elle, car beaucoup d’hébergements n’acceptent pas la carte bancaire…. Peut-être craint-elle d’être « braquée » sur cette terre qui est la ligne de partage entre « les Wisigoths au Sud » et les « Templiers au Nord » ?...
DEPART TARDIF
Le réveil a sonné vers 7h15, il fait presque jour et nous découvrons la chevelure de « notre voisine de chambrée » enfouie sous ses draps, c’est l’unique « contact » que nous aurons avec elle. Nous finissons de préparer notre sac et nous étudions une dernière fois notre itinéraire du jour : « Anglès-Boissezon » d’une longueur de 20-21 km qui risque d’être aussi ardu qu’hier… avec quelques inconnues au programme car il manque une « partie » du topoguide, une feuille probablement omise lors de son impression, mais vaille que vaille, nous croyons à notre « bonne étoile de Compostelle » pour ce deuxième jour de randonnée au cœur de ce Haut-Parc du Languedoc……
Direction la salle de séjour pour prendre le petit-déjeuner (pour moi, c’est rapide, ça se limite à deux cafés et une demi-tartine), nous y retrouvons la patronne des lieux, Françoise Paul et …le couple de vieux cheminants. Nous apprenons qu’ils viennent également des Alpes-Maritimes et qu’ils aiment « flâner » à leur rythme (probablement au ralenti) sur le chemin…. Ils me demandent quelque sera notre destination du jour : j’ai un trou de mémoire, je n’arrive pas à me rappeler que c’est Boissezon, Christèle avec ses yeux rieurs (et moqueurs) me sauve la mise en clamant BOIS-SE-ZON…
Nous parlons beaucoup (surtout moi) mais l’heure tourne. Nous avions projeté de partir à 7h30 et voilà qu’il est déjà 8h00, c’est déjà tard pour partir, ce qui incite Christèle a sifflé la « fin de la récré » : il est temps d’aller chercher nos sacs et de filer « à la Tarnaise » car nous avons une longue route à faire….
LE PARCOURS DU COMBATTANT
Il est très exactement 8h10 lorsque nous quittons le gîte. Il fait déjà chaud dans l’air et tout laisse à penser que nous aurons une belle journée mais qui ne sera pas sans surprises…Anglès n’est pas plus animée qu’hier, nous apercevons encore une fois la « Cathédrale de la Montagne » sur notre gauche avant de franchir la Porte de Ville qui débouche sur la route principale qui traverse le village… Direction le GR….
Hors temps de pause, la durée du parcours oscille entre 5 et 6 heures, en y ajoutant le temps du déjeuner et les mini-arrêts, nous pourrons arriver vers 14 heures…en espérant de pas rencontrer trop de difficultés au passage (signalétique, changement de temps, fatigue, etc…), un indicateur toutefois peut nous interpeller : la différence d’altitude entre notre point de départ et celui de notre arrivée : nous allons passer de 750 mètres à 250 m…. Amateur de bonne descente, à la vôtre !
DUEL AU SOLEIL
Le début du parcours est relativement tranquille et plutôt agréable car nous empruntons un long chemin boisé et bien ombragé. Une borne « Compostelienne » plantée là nous indique la direction à suivre. Nous rencontrons d’ailleurs des promeneurs, dont le fameux Mr Passeport, celui qui n’a pas réouvert son gite, il est en conversation avec des autochtones. Deux d’entre eux, plutôt âgés et à la démarche parfois hésitante décident de partager une partie du chemin avec nous, mais nous marchons un peu trop vite pour eux et notre compagnonnage prend très rapidement fin…
Nous quittons un temps cette forêt de conifères pour aboutir à une clairière : il commence à faire très chaud lorsque nous atteignons les Sires, j’en profite pour me coiffer de mon couvre-chef qui me fait ressembler un peu à Indiana Jones. Nous sommes au cœur d’un hameau qui compte trois maisons dont deux laissées à l’abandon, encerclées par les ronces et les herbes folles qui coiffent des murs en ruine…le temps s’est arrêté, qui garde jalousement le souvenir d’une époque révolue, celle d’avant l’exode rural…Seule une maison habitée est nichée peu avant la pente qui nous attend, telle une vigie qui épierait le souffle haletant des promeneurs……
La température ne va pas tarder à dépasser les 30 degrés Celsius… Le chemin devient de plus en plus raide et surtout caillouteux : la gorge commence à être sèche et une petite giclée d’eau ne sera pas de refus…. Nous suivons toujours le chemin grâce aux balises qui sont peintes parfois sur les roches ou plus souvent sur un tronc d’arbres…
Mais la hantise du promeneur, c’est l’absence soudaine de ces marquages ou des indications erronées sans que l’on sache trop pourquoi et qui peuvent vous faire perdre un temps précieux.
Christèle évoque sa mésaventure rencontrée naguère dans le Gers avec des « pistes brouillées » par quelques agriculteurs qui ne veulent pas que des pèlerins foulent leurs parcelles et qui effacent volontairement les balises, ce qui peut faire de vous un « chien perdu sans collier et surtout sans flair… » …
Nous suivons justement un chemin très caillouteux et un premier soupçon d’hésitation nous parcourt : plus de signalétique, sinon une croix jaune à un carrefour ce qui signifie la fin du parcours et pas d’autres repères dans les parages, nous avons à l’aveugle sur le même chemin, étant croisés par un coureur VTT mais voilà que nous « atterrissons » finalement sur la route départementale, celle qui mène à Castres.
Non, ce n’est pas le bon chemin: nous avons loupé quelque chose, la faute peut-être à un manque de vigilance ou à de la distraction due à nos discussions…Nous faisons marche arrière et empruntons alors un autre chemin dans les bois qui semble aller dans la direction souhaitée …mais qui aboutit à un cul de sac ou est édifié un entrepôt sylvicole…Finalement nous allons retrouver le bon sentier qui s’engage dans la forêt ou nous découvrons une balise du GR 653 qui est discrètement inscrite sur une branche qui la rendait invisible depuis l’intersection que nous avions empruntée dix minutes plus tôt….
AMI ENTENDS TU LE CHANT DES MAQUISARDS ?
Il fait de plus en plus chaud et nous avons perdu du temps mais nous voilà sur le bon sentier qui descend à travers une jolie forêt de conifères aux abords des plus touffus qui nous fait penser à une sorte de « Maquis » …
D’ailleurs, c’est le cas, au cours de la seconde guerre mondiale, au cours de l’Eté 1944, peu avant la libération de Mazamet et de Castres auxquelles ils participèrent que les « Maquisards » des « Corps Francs du Sidobre » surent participer à la défaite de l’armée Allemande d’occupation et renverser le cours d’une histoire douloureuse…
Le Sidobre que nous traversons est un étroit corridor montagneux majoritairement granitique propice à un climat chaud l’été et assez rude l’hiver et habité par ces hommes et ces femmes issues de cette terre ingrate mais attachante qui ont su prendre les armes au cours de l’histoire pour défendre la liberté. Sur cette voie d’Arles que nous empruntons, nous découvrons au hameau de San Fe, une plaque témoignant le courage de paysans hébergeant des aviateurs américains ou encore cette évocation la libération des deux villes précitées….
Il est presqu’onze heures, nous arrivons dans le territoire de la commune de Lasfaillades et décidons de nous poser un peu et de “casser la croûte » aux abords d’une retenue d’eau…. Toujours le même rituel : dépose du sac, retrait des chaussures et toujours un menu qui a toujours plus le dessein de nous « caler » l’estomac que d’espérer finir repu….
BOUISSET HAMEAU PAISIBLE
Nous quittons la retenue d’eau une petite demi-heure après en longeant une palissade de bois qui nous amène à une intersection indiquant d’ailleurs la proximité d’un gite d’Etape dans le Hameau de Bouisset. Une statue de pèlerin sculptée en bois est plantée là semblant nous souhaiter la bienvenue et nous invitant à poursuivre notre chemin…sauf qu’il y a une alternative qui se présente à nous : la balise du GR qui nous indique de pendre le chemin à gauche tandis qu’un panneau toujours en bois nous convie à prendre le chemin parallèle…. Nous optons pour la deuxième option…
Un peu moins d’un kilomètre après, nous découvrons le hameau de Bouisset à la sortie de la forêt, où une large prairie peuplée de quelques maisons éparpillées annonce le reste du lieu-dit avec son église, joliment appelée « Notre Dame des Neiges » et une placette sur laquelle une pompe à eau a été placée…. Ça tombe très bien, nous avons très soif……mais par contre nous avons perdu la trace du sentier….
Nous rencontrons un couple de promeneurs à qui nous demandons comment retrouver la direction du sentier… Ils semblent être du coin mais paraissent saisis du syndrome rencontré lors de notre arrivée à Béziers : ils n’en savent rien » ou alors, ils ont opté pour « je sais tout mais je ne dirai rien », néanmoins ils finissent par nous indiquer une direction à suivre qui s’avèrera être finalement la bonne….
AU LOIN LA MONTAGNE NOIRE
Nous recrapahutons sur un chemin abrupt qui nous amène sur un vaste plateau et nous voilà repartis pour plusieurs kilomètres d’un chemin qui parait filer vers l’infini, il fait toujours plus chaud et nous avons entamé le début de l’après-midi et avons marché déjà près de 13 km, mais il en reste encore plus de 7 à faire, hors pause, peut-être arriverons-nous d’ici deux heures à Boissezon….
Le sac devient pesant surtout le mien qui n’est pas encore assez bien sanglé et peut-être trop lourd (au moins un à deux kilos de trop) alors que mes épaules m'envoient des décharges lancinantes , le soleil qui tape de plus en plus et l’absence de vent ne facilitent pas un bon maintien du moral, et dans la solitude du plateau, quelques pensées mélancoliques me traversent momentanément l'esprit: "que diable suis-je venu faire dans cette galère, alors que je pourrais être vautré sur une serviette de plage dans une douce ambiance de farniente ? " mais je me ressaisis rapidement car mes pieds ne crient pas « au secours » et les jolis panoramas sur la Montagne noire, ce prolongement extrême du massif Central qui s’étend de la Cité industrielle de Mazamet au Nord aux plaines de l’Aude au sud avec comme point culminant, le Pic Nore qui atteint les 1 200 mètres tout de même….me redonnent du baume au coeur.....
Nous avons toujours plus soif, Christèle possède deux gourdes : l’une classique accrochée à son sac et une autre munie d’un siphon qui permet de se désaltérer sans avoir à s’arrêter…
De toute façon, il ne faut plus faire trop de pauses car l’heure tourne et un début de lassitude peut nous envahir … ce n’est pas le moment de flancher…Quant à moi, ma gourde d’eau fraiche puisée à Bouisset n’est plus qu’un lointain souvenir, seules quelques gouttelettes errent encore dans ma petite cuve tout comme ma bouteille « bis » qui répond déjà aux abonnées absentes… En guise de consolation, je m’inonde de mon brumisateur Evian, retrouvant quelques couleurs salvatrices mais je l’avoue tout de même dérisoires….
« CACHEZ CE SAINT QUE JE NE SAURAIS VOIR »
A un croisement, encore un problème de signalétique, une croix avec un coquillage est cachée par un bandeau sur lequel est inscrit une pieuse citation dont j’avoue avoir oublié la teneur… et sous le bandeau en question…la balise du GR, nous sommes toujours sur la bonne route….
Christèle a toujours mal à son genou et la douleur n’est pas atténuée par son bon planter de bâton régulier qui aide toujours à mieux équilibrer sa marche et surtout à oublier les tracas que celle-ci occasionne, une sorte de « méthode Coué » du pèlerin, en somme… Nous consultons le topo-guide qui nous indique la proximité du Rialet, un village qui s’enorgueillit de posséder un belvédère incomparable donnant sur le massif de la Montagne Noire et du Parc du Haut-Languedoc…mais en fait, nous n’allons faire que contourner ce village pour arriver au lieu-dit des « Coudercs », allez, les petits, la route est encore longue….
LA DESCENTE INFERNALE
Nous allons amorcer une longue descente à travers la forêt de pins qui pourrait paraître agréable du fait des aromes qu’elle dégage mais l’heure a tourné et l’envie d’arriver à destination devient pressante, le chemin fait un joli parcours en épingle a cheveux, j’ai pris quelques longueurs d’avance car mon binôme subit les caprices de son genou, je l’attends quelques minutes pour nous repartons pour déboucher sur une route départementale aux portes d’un hameau, en consultant la carte, nous ne sommes plus très loin… Christèle en profite pour appeler notre hébergeur pour annoncer notre arrivée imminente (enfin presque) : il s’agit de la Mairie de Boissezon ou nous devrons prendre les clés du gîte d’Etape et commander notre repas du soir car la commune n’a plus aucun commerce……..
Une nouvelle et interminable descente en lacets nous fait déboucher sur un lieu-dit composé d’une grange et d’une maison et quelques mètres plus bas…on entend les murmures de la rivière : l’Agout que nous avions perdue de vue depuis La Salvetat, et de l’autre côté de la berge s’étend une agglomération qui nous parait bien plus importante que ce que nous imaginions avec un petit immeuble coiffé de paraboles qui jouxte une usine qui semble désaffectée : nous arrivons à Boissezon…..il est presque seize heures et la chaleur dans l’air est toujours aussi forte…..
Passés « les faubourgs », nous pénétrons dans ce village qui compte moins de 300 habitants à présent. Nous passons devant le gîte des Pèlerins, une vaste bâtisse de trois étages précédés d’un mur ou le mot « Santiago de Compostela » y est écrit sur fond de coquillages et qui nous souhaitent la bienvenue….
Il était temps que nous arrivions, mais il nous reste encore quelques mètres pour atteindre la mairie ou nous devons signaler notre arrivée. C’est un bâtiment qui trône au milieu du bourg qui est dominé par une colline sur laquelle une église semble nous toiser, nous pauvres pèlerins fourbus….
Une dépendance jouxte l’édifice et fait office de garage, nous en profitons pour y poser nos sacs, retirer nos chaussures puis allez chercher de l’eau dans une pompe accolée au mur extérieur…. Bref, le rituel le plus appréciable qui soit après ce dur périple…