En longeant la Rigole de la Plaine, Revel

En longeant la Rigole de la Plaine, vers Revel

HUITIEME  EPISODE

REVEL-LES CASSES


          "LES SANGLOTS LONGS DE LA RIGOLE"

« Quand on marche seul, on va vite mais quand on marche à deux, on va plus loin »

Proverbe Africain

AU CŒUR DU LAURAGAIS

Nous achevons notre repas au cœur de cette Place du Marché qui s’appelle en fait « Philippe VI de Valois », du nom de ce roi de France (entre1328 et 1350) qui fit édifier la Bastide de Revel en 1342 et qui fut l’ultime érigée au cœur de l’Occitanie….

Mais Philippe VI est également à l’origine de la construction de la Halle surmontée d’un beffroi de type néo-classique qui se dresse face à nous…

Cet édifice imposant qui occupe le cœur de la Place est porté par 79 piliers de chênes et de 39 m de côté.  Il constitue à présent la partie couverte du marché hebdomadaire tout en abritant également l’Office de tourisme municipal ainsi qu’un lieu dédié au soulagement de nos nobles entrailles….

Il fut détruit ultérieurement avant d’être reconstruit à l’identique en 1825 sous la direction de l’architecte Vitry qui comme son nom ne l’indique pas était originaire de Toulouse et qui contribuera d’ailleurs au renouvellement urbain de sa ville natale, lui apportant en outre sa propre touche d’inspiration « Haussmannienne » tant en vogue en cette première moitié du XIXème siècle dans la plupart des grandes villes françaises….

Revel, chef-lieu de canton de 9.500 habitants est situé au cœur du Lauragais, cette vaste plaine agricole qui s’étend sur plusieurs départements autour de Toulouse : la Haute-Garonne, l’Ariège, le Tarn et l’Aude….

De vastes espaces fertiles dédiés à la céréaliculture, d’où son surnom de « Grenier à blé du Languedoc » qui fut favorisé par la proximité du Canal mais également sur la culture du Pastel, une espèce de plantes herbacées qui pousse à l’état sauvage aussi bien dans la région que dans des régions situées au nord de la Loire. D’abord utilisée comme plante médicinale, elle a été ensuite cultivée pour la production d’une teinture bleue mais qui sera détrônée au XXe siècle par les colorants de synthèse…

Le Lauragais, c’est également une région au riche passé historique qui abrite de nombreux trésors patrimoniaux (Eglises, Abbayes, Châteaux), elle est néanmoins chargée d’une histoire religieuse agitée (Catharisme et Protestantisme) comme la plupart des régions avoisinantes.

Aujourd’hui, c’est toujours une voie de communication majeure, située à égale distance entre la méditerranée et l’Atlantique et qui aura connu un essor considérable lors de la construction du Canal du Midi au XVIIème siècle…

On surnomme cette région, le « pays aux mille collines »(comme le Rwanda, en Afrique, ndlr), avec un relief peu accidenté, coincée entre la Montagne Noire au nord et les Pyrénées au sud, ce qui facilite le passage des fameux vents qui traversent l’Occitanie dont nous avons parlé lors des épisodes précédents….

Revel constitue un des principaux centres commerciaux et urbains du Lauragais bien que la Capitale de cette "Beauce version Occitane" soit plutôt Castelnaudary, située dans le département de l’Aude….

Notre étape du jour est située à cinquante kilomètres de Toulouse, « la ville Rose ».Cependant elle ne fait pas partie pour autant de son Aire urbaine, étant elle-même le centre d’une entité territoriale de quelques dix mille âmes…

Place Philippe de Valois

Place Philippe de Valois

REVEL ET MONSIEUR RIQUET

De l’autre côté de la Place Philippe de Valois, nous découvrons l’ancienne demeure de Pierre-Paul Riquet. Le futur promoteur du Canal du Midi a vécu dans cette opulente maison à partir de 1648.

Originaire d’une grande famille de Béziers où il voit le jour en 1609, il est le fils d’un ancien notaire devenu Procureur auprès de la Cour Royale, Guillaume Riquet. Lui-même convolera en justes noces avec Catherine Milhau, fille d’un grand bourgeois de la ville et avec laquelle il aura cinq enfants….

Comme beaucoup de jeunes gens « bien-nés » de cette époque, il intègrera la puissante corporation des « Gabelles », chargés de collecter l’impôt sur le sel, notamment à Mirepoix (Ariège) avant de devenir Fermier Général en 1660 dans cette vaste région du Languedoc.

Cette charge prestigieuse à l’époque sera fortement remise en question au moment de la Révolution Française, quand les juges de la « Terreur » (1794) enverront sur l’échafaud bon nombre de ces « gabelous », tels le Marquis de Laborde (propriétaire du Domaine de Méréville) ou encore le Savant Lavoisier. Nul ne sait vraiment s’ils furent exécutés pour leur opposition à l’idéal révolutionnaire ou bien pour ce qu’ils représentaient, considéré comme l’élément le plus emblématique de l’Ancien Régime….

Lors de son séjour à Revel, Riquet, dont l’intérêt pour la Science et les Techniques remonte à l’enfance, profita de la proximité de la Montagne Noire pour recenser les sources et les cours d’eau environnants afin d’en dresser une cartographie exacte et surtout de mesurer leur débit car l’idée d’imaginer un système de canalisation, via une conduite de dérivation lui trottait déjà l’esprit pour permettre l’alimentation de son futur Canal qui avait pour dessein de relier l’Atlantique à la Méditerranée….

Selon les observateurs attentifs, les motivations de Riquet étaient multiples concernant cette entreprise audacieuse, relevant aussi bien de son goût pour les sciences et les défis techniques que de sa volonté à en tirer des bénéfices personnels et financières non négligeables, sans oublier bien sûr, un désir assumé de passer à la postérité (vœu largement exaucé depuis) …

Cependant, il ne verra pas l’aboutissement de son œuvre, puisqu’il disparait un an avant la fin des travaux en 1680…. Indéniablement, il s’agit du plan grand chantier jamais réalisé au XVIIème siècle et qui va révolutionner le transport fluvial entre Toulouse et la Méditerranée. D’abord appelé « Canal Royal du Languedoc », il prendra le nom définitif de « Canal du Midi » au début de la Révolution Française. Un prolongement jusqu’à l’Atlantique sera réalisé au cours du XIXème siècle…

Dortoir du Gîte

Dortoir du Gîte

MARCELLE

Il est à présent quinze heures et il est temps de regagner notre gite du soir, situé non loin de la Place centrale… Il s’agit d’une maison de ville d’un étage que nous avons déjà croisée en arrivant sans y prêter attention, rue Georges Sabo.

Ce gîte n’est pas ouvert toute l’année, il ferme effectivement l’hiver : en décembre, janvier et février. Affilié à l’association des Pèlerins d’Occitanie, il est tenu par des bénévoles qui se relaient chaque semaine pour accueillir les visiteurs (six couchages sont à leur disposition) afin de les recevoir dans les meilleures conditions possibles, leur préparant le petit-déjeuner au passage ainsi que la possibilité de faire la lessive….

Nous faisons la connaissance de Marcelle, la bénévole du moment. Originaire de Dijon, cette infirmière psychiatrique à la retraite est « hospitalière » depuis déjà plusieurs années un peu partout en France avant d’atterrir dans cette localité Haut-Garonnaise pour la première fois….

Cette femme affable et accueillante est arrivée la veille pour tenir le gîte d’Etape durant toute la semaine qui va suivre…. Elle fera partie de ces femmes valeureuses que nous rencontrerons durant notre périple sur cette voie d’Arles…

Elle nous confirme que les réservations se font au « compte-gouttes » après les deux mois de fermeture liés au confinement de mars-mai. Demain, elle devrait recevoir une famille de quatre personnes….

Nous découvrons notre « dortoir » : une pièce assez vaste, composée de quatre lits simples et de deux lits surélevés et qui donne sur l’arrière-cour de la maison. Nous sommes à l’étage, où se trouve la cuisine, les sanitaires ainsi qu’une petite pièce réservée à l’Hospitalier(e).

Au rez-de-chaussée, se trouve une autre pièce fermée au public, un réduit réservé aux déposes de sacs à dos (ici comme ailleurs, prohibés dans les chambres pour des raisons sanitaires) puis une ouverture vers la cour à ciel ouvert où nous pourrons étendre notre linge après la lessive…

Cour intérieure du Gîte

RETOUR SUR LA PLACE

Revel n’a pas accueilli que les Rois de France mais a également vu naître un Président de la République : Vincent Auriol, élu entre 1947 et 1954,  le premier et l''avant-dernier sous l’éphémère IVe République…. Il sera le premier chef d’Etat socialiste, ayant occupé auparavant plusieurs maroquins sous le Front populaire ainsi que la Présidence de l’Assemblée Nationale dans l’immédiate après-guerre, sans oublier qu’il fut également le beau-père de la célèbre aviatrice Jacqueline Auriol qui avait épousé son fils Paul….

Assis à la terrasse d’un café, nous entendons de façon ininterrompue plusieurs chansons de Joe Dassin, ce chanteur Franco-Américain qui connut un grand succès dans la France des années 70, reconnaissable avec ses tenues (aujourd’hui) « kitch », son accent léger et son strabisme notable… Je réalise subitement que ce roi de « la variété » est mort prématurément il y a tout juste quarante ans, terrassé par un infarctus dans un restaurant de Papeete (Polynésie Française) où il était parti se « ressourcer », il n’avait que 41 ans….

Nous faisons quelques emplettes dans les commerces situés sur la Place pour le diner et pour demain avant de retourner au gîte. A notre retour, Marcelle nous propose de diner avec elle car elle a préparé une excellente soupe à l’oseille. Nous passerons un excellent moment avec elle et nous en saurons un peu plus sur son parcours personnel dans le monde un peu rude de la psychiatrie hospitalière et surtout son investissement chez les Hospitaliers de Compostelle…

A présent veuve et donc retraitée, Marcelle est originaire du monde agricole, ses parents étaient des paysans de Franche-Comté. Encore lycéenne, elle aidait ses parents à l’exploitation puis est partie à la ville pour devenir infirmière puis faire sa vie, comme on dit….

Christèle me fera remarquer à juste titre et cela se confirmera par la suite au gré de nos rencontres qu’on trouve parmi les hospitaliers beaucoup de personnes issues du milieu paramédical ou de services à la personne…. A l’instar de Marcelle, des gens toujours attentionnés pour leur « prochain », ce qui peut constituer de nos jours une denrée rare….

Notre Dame des Grâces
Revel

Notre Dame des Grâces
Revel

REVEL BY NIGHT OU LA GET SET

Ce retour dans une ville nous incite à faire une petite balade nocturne. Il est un peu de plus de 21heures et la chaleur persiste en ce début de soirée, il y a un peu d’animation dans les rues et nous découvrons d’ailleurs l’Eglise, joliment dénommée Notre Dame des Grâces, imposante bâtisse du XIVème qui domine cette charmante cité du Lauragais. Comme beaucoup d’édifices sacrés de cette région, elle a connu les affres d’une histoire agitée, étant plusieurs fois remaniée au cours des siècles suivants jusqu’à s'enorgueuillir de ce style néo-byzantin si particulier….

La petite ville Haut-Garonnaise possède également un Temple protestant comme la plupart de toutes ces localités qui furent des actrices majeures de cette rivalité (alors sanglante) entre Catholicisme et Protestantisme….

Nous passons devant le Centre culturel municipal, un bâtiment imposant qui abrite à présent une médiathèque, une salle de spectacle et un cinéma… La façade est joliment éclairée et nous n’allons pas tarder à découvrir qu’il s’agit en fait de l’ancienne usine GET connue avoir créé puis commercialisé la fameuse liqueur de menthe éponyme qui prit également le nom de « Peppermint Get » dès le courant du XIXème siècle et qui fera la renommée de Revel à travers le Monde entier….

La production restera d’ailleurs dans la ville jusqu’à l’orée des années 90 avant d’être transférée à Gémenos (Bouches du Rhône), après avoir été rachetée par Bénédictine puis le groupe Bacardi-Martini qui continue à y commercialiser les boissons phares : « le Get 27 » et le « Get 31 » ….

INSOMNIE

Demain, nous entamerons un nouveau périple qui nous mènera au village des Cassès, situé dans le département de l’Aude, terre du Catharisme par excellence.  Dix-sept kilomètres à parcourir en côtoyant les abords de la Rigole….

A l’origine, nous devions aller vers Montferrand, comportant une étape beaucoup plus longue et plus compliquée au niveau logistique qui impliquait dès lors de prendre partiellement les transports en commun pour boucler le parcours.

Nous nous sommes rendus à l’Office de Tourisme, située sous la Halle afin de glaner des informations à ce sujet. Un agent d’accueil, au demeurant sympathique et dévoué réussit à nous donner des horaires d’autocar et de train…. Il faisait trop chaud à l’intérieur et nous devions être masqués, mais à cette époque, tout ceci était totalement nouveau, donc forcément pénible à supporter….

A notre retour au gîte, Marcelle nous apprend que les informations données par l’agent d’accueil sont en fait totalement erronées, elle nous propose de raccourcir notre trajet et de nous rendre aux Cassès chez une nommée Isabelle qu’elle a d’ailleurs rencontrée deux jours plus tôt….

C’est finalement une bonne idée que nous adoptons aussitôt et nous pouvons saluer cette belle initiative confraternelle mais dont nous n’allons pas tarder à en comprendre les raisons : le gîte des Cassès (appelé « passeur-elle ») est désormais tenu par de nouveaux propriétaires, fraichement retraités et qui ont connu depuis juin une véritable « disette » en matière de fréquentation :  un peu plus de 45 réservations en un peu moins de 3 mois… la crise sanitaire est une fois de plus passée par là….

Nous partons nous coucher….Je n’arrive cependant pas à dormir…tandis que Christèle tombe relativement vite dans les bras de Morphée et commence un sympathique concerto en borborygmes majeurs…ce qui m’incite à mettre des bouchons dans les oreilles mais rien n’y fait, je me tourne et retourne dans mon lit sans réussir à trouver le sommeil.  

C’est vrai, changer de lit chaque jour finit par être un peu pesant et malgré la fatigue engendrée pendant ces journées de marche, un soupçon d’insomnie peut alors émerger…. Je décide de me lever et d’aller prendre l’air., je descends dans la cour intérieure de la maison : un beau ciel étoilé m’attend et que je vais contempler un certain temps, en prenant place sur une des chaises placées sur ce sol caillouteux ceint de quatre murs imposants et chargés d’histoires personnelles, telle une vigie nocturne au cœur d’un château fort qui tente de bouter l’insomnie……ce que je vais finalement réussir quelques temps après….

Scènes de la vie champêtre sur la Rigole

Scènes de la vie champêtre sur la Rigole

DEPART DU MATIN LE LONG DE LA RIGOLE

Tôt le matin, nous prenons notre petit-déjeuner avec Marcelle avant de prendre congé. Nous la remercions pour son accueil chaleureux et nous prenons ainsi congé, lui souhaitant une bonne semaine qui va d’ailleurs débuter avec l’accueil d’une famille…

Il est sept heures et demie lorsque nous empruntons les faubourgs de la petite cité du Lauragais encore noyée par les brumes matinales et comme nous sommes dimanche, autant dire qu’il y a peu de chalands sur notre passage….

Nous arrivons aux abords de la Rigole que nous allons longer pour plusieurs heures, inaugurant ainsi notre deuxième semaine, tournant le dos au relief accidenté du Sidobre et de la Montagne noire pour celui plus souple des plaines du Lauragais… Christèle ouvre la marche, avançant d’un pas régulier, toujours guidée par ses bâtons……

Nous n’allons pas tarder à croiser de plus en plus de promeneurs matinaux, qu’ils soient piétons ou cyclistes et qui semblent profiter de ce début de matinée estival…. Longer la Rigole de la Plaine peut être assimilée à une simple promenade du dimanche très éloignée des jours précédents, à la différence que nous sommes toujours chargés et que les jours de marche précédents se rappellent à notre bon souvenir : début d’ampoules, douleur aux cuisses ou aux épaules….

Hier, lors de notre arrivée à Revel, à l’heure du déjeuner, alors qu’il était prévu que je me « déleste » d’une partie de mon « surplus » la fermeture de la Poste n’a donc pas permis ce souhaitable « retour à l’expéditeur » …Je devrai donc continuer à prendre mon mal en patience…

Amorcer la Rigole donne cependant l’impression d’avoir fait le « plus dur » et que l’accession aux portes de Toulouse (prévue Mercredi) ne sera plus qu’un long fleuve tranquille, certes un peu monotone par certains aspects mais le sentiment de parvenir à son but commence à se faire sentir, même s’il nous reste encore une cinquantaine de kilomètres à effectuer avant d’accéder aux marches de la Basilique de Saint-Sernin, accueil traditionnel Toulousain de tous les pèlerins de la voie d’Arles….

Dans l’instant présent, nous continuons d’avancer le long de ce qui constitue une sorte de corridor « fluvial », avec ses rives herbacées et ses arbres plantés de façon méthodique qui nous servent de « parasols naturels », c’est d’autant plus heureux qu’une poussée de chaleur commence à nous parcourir le visage....

Nous ne cessons pas de croiser des promeneurs et de plus en plus de cyclistes et pour cause, nous sommes sur la rampe de lancement des « amoureux de la Petite Reine », version VTT et qui peut les amener comme nous jusqu’aux portes de la Ville Rose….

Le temps s’écoule lentement mais sûrement et la sensation de ne plus pouvoir « se situer dans l’espace » commence à être palpable.  En effet, aucun village, encore moins d’habitations isolées s’offrent à notre regard furtif…

Nous finissons par atteindre le hameau des Thoumazès, situé sur la commune de Saint-Félix Lauragais où des spectateurs immobiles nous observent de l’autre côté de la rive : ce sont en fait des mannequins mimant les scènes bucoliques de la vie quotidienne au XVIIème siècle : des pêcheurs, des paysannes ou de simples badauds en costumes d’époque paressent au cœur de ce noyau de verdure ……

L’écluse du Laudot, construite en 1761, est visible depuis la sortie du chemin, portant le nom de la rivière, affluent de l’Agoût, détourné lors de la création du Canal du Midi et qui suit son cours parallèlement à la Rigole de la Plaine pour finalement être en confluence à cet endroit précis…

Indéniablement, cet ouvrage d’art est stratégique dans le réseau d’alimentation hydraulique du Canal du Midi et permet de drainer les eaux issues des profondeurs de la Montagne Noire, via la Rigole et le Barrage de Saint Ferréol pour atteindre plus en aval le Seuil de Naurouze……

Dans les plaines du Lauragais

Dans les plaines du Lauragais

 ATMOSPHERE, ATMOSPHERE

Le Hameau des Thoumazès n’est pas qu’un lieu de confluences, il est également au bord de la départementale 624, qui relie Revel à Pamiers (Ariège)… La maison du Garde et l’Ecluse donnent un cachet particulier à cet endroit paisible, rappelant une « atmosphère à la Simenon » comme on peut la trouver sur les bords de Seine ou de la Marne, propice à faire de « lieux sans histoires » des « endroits à fait-divers » ….

Mais dans l’instant présent, pas de Commissaire Maigret en vue qui tenterait de taquiner le « gardon » comme à Morsang-sur-Seine ou Meung-sur-Loire tout en nous scrutant comme des suspects potentiels, noyé sous le nuage de fumée de sa sempiternelle pipe au bec…

DANS LA CAMPAGNE DU LAURAGAIS

Parfois la Rigole sort de sa torpeur pour nous proposer un petit dénivellement générant une énergique petite cascade charriant des bouts de bois rebelles ou autres herbacées égarées… La poursuite du chemin nous fait découvrir les vastes plaines fertiles qui viennent de finaliser la moisson, celle que l’on appelait naguère « la passée d’août » en Beauce dont la ressemblance avec ce Lauragais-ci est frappante, en prenant un cliché, je remarque des similitudes avec certains paysages du plateau de Vaucelas à Etréchy : une plaine vallonnée à perte de vue parfois coiffée de bosquets sauvages…….

LAC DE LENCLAS


Il est près de Midi, lorsque nous arrivons aux abords du lac de Lenclas qui va constituer un endroit idéal pour se poser et surtout déjeuner…. Nous sommes à présent à mi-chemin des Cassès et en sachant que cette étape est courte, nous aurons ainsi le temps de nous éterniser un peu au cœur de cet endroit d’aspect agréable….

Situé aux portes de Saint-Félix Lauragais, ce lac semble être un lieu prisé par les familles. D’ailleurs, sur un parking qui a été aménagé à l’entrée, on constate un grand nombre de véhicules, ce qui n’est pas anormal puisque nous sommes dimanche midi….

Bien que bordé par la Rigole de la Plaine, l’origine du lac est en fait récente puisqu’elle date de …1968.  C’est une halte obligée pour les nombreux cyclistes qui empruntent ce chemin du Canal avant de rejoindre le Seuil de Naurouze par la « voie verte » ainsi que pour les Pèlerins de la Voie d’Arles, qui sont plus d’une centaine chaque année à découvrir les lieux…sauf cette année bien sûr, une fois de plus, nous ne dévisagerons aucun éventuel « compagnon de route ».

Lac de Lenclas
St Félix-Lauragais

Lac de Lenclas
St Félix-Lauragais

La pêche peut également être pratiquée autour du lac qui est alimenté par le Fresquel qui est un affluent de l’Aude…. Plusieurs aires de pique-nique ont été aménagées et nous en profitons pour nous nous asseoir sur une table non loin d’un ponton qui surplombe le plan d’eau….

Face à nous, nous pouvons découvrir une auberge qui est cependant fermée. En guise de restauration, une camionnette trône sur le parking proposant boissons et friterie. La tenancière est assise devant une table de camping, semblant attendre les clients qui semblent rare, malgré la relative effervescence autour du lac….

Nous allons lui acheter des boissons, c'est alors qu''elle nous confirme alors que le COVID étant passé par là, la fréquentation du site a beaucoup chutée et nous avoue qu’elle accomplit malgré tout son dernier dimanche de l'été, aussi peu fructueux soit-il….

Le repas terminé, il est à présent temps de repartir, nous en profitons pour faire le tour complet du lac avant de retrouver la Rigole qui devrait nous amener en direction des Cassès, village situé à un peu plus de quatre kilomètres d’ici mais sur le département de l’Aude….

Je passe en tête et avance d’un pas si alerte que je ne tarde pas à ne plus aperçevoir Christèle qui elle, marche toujours d’un pas régulier même si sa douleur au genou est réapparue depuis peu….

Cour intérieure du Gîte

La campagne alentour est belle, les vastes plaines céréalières du Lauragais s’étendent à perte de vue, agrémentées de quelques bosquets épars qui sont toisés par l’extrémité de la Montagne Noire aperçue dans le lointain….

J’avance, j’avance toujours assez vite, croisant occasionnellement quelques promeneurs puis progressivement plus personne…une petite heure est passée depuis notre départ du lac, je décide d’attendre Christèle dont la silhouette ne point toujours pas à l’horizon…

Mais elle n’arrive pas. Je commence à m’inquiéter, peut-être a-t ’elle un problème… Je veux en avoir le cœur net, je décide de rebrousser chemin…quand je reçois un SMS : « Je ne te vois plus devant, j’espère que tu as quitté le GR et que tu as bien aperçu le panneau indiquant la bifurcation vers les Cassès. Rappelle-moi pour confirmer, stp » …

C’est bien sûr Christèle qui est à l’origine du message et je m’aperçois subitement que je suis à plus de deux kilomètres de ladite bifurcation… Voilà ce que c’est que d’aller trop vite! maugréé-je, …je lui renvoie de facto un message pour avouer mon erreur d’itinéraire et lui confirmer que j’arrive dans les plus brefs délais, c’est du moins, ce que je crois….

Je tente de prendre un raccourci afin de pouvoir gagner du temps, mais parfois c’est bien connu, il y a beaucoup de raccourcis qui rallongent comme lorsque l’on prend un « itinéraire bis » sur une route déjà encombrée….

Je décide de me servir du GPS sur mon portable… mais le réseau répond aux abonnés absents, afin d’éviter d’avoir « l’angoisse du bédouin privé de sa gourde au milieu du désert » j’avance un peu à l’aveuglette jusqu’à trouver un panneau au milieu d’un champ de parasols : « réserve de chasse des Cassès ».

Sans être un grand clerc, je peux donc deviner que je ne suis pas très loin du but, je retrouve rapidement une petite route départementale qui mène à un village perché sur une butte : indéniablement, il s’agit des Cassès… Je reçois un nouveau message de Christèle qui me signale de ne pas prendre la direction du mémorial Cathare sur la gauche mais plutôt de m’engager dans le chemin opposé…

En évoluant sur cette route en lacets, on peut contempler la vaste plaine du Lauragais avant de rejoindre un village de ce département de l’Aude qui fut une des places fortes du Catharisme mais qui connut un de ses épisodes les plus tragiques sur lequel nous reviendrons un peu plus tard….

Au bout d’une dizaine de minutes, j’atteins l’entrée du bourg où j’aperçois Christèle qui me fait des grands signes en souriant…elle est ici depuis une demi-heure et à déjà fait une petite visite des lieux… Il est environ quatorze heures trente mais de toute façon, « mon retard » n’est pas un problème car le gîte « passeur-elle » n’ouvre qu’à quinze heures……

Le village compte moins de 300 âmes qui à cette heure de la journée semblent faire la « sieste » … Nous passons devant les ruines du Monastère des Clarisses dont l’origine remonterait au XIVème siècle puis de l’Eglise Saint-Etienne plus récente avec ses croix et stèles bizarrement discoïdales et qui sont accolées à l’une de ses façades…Quelques légendes malheureusement pas toujours lisibles semblent commenter des faits historiques…. Heureusement, un panneau accolé plus haut nous fait la description de ces stèles, les détaillant par catégorie…

Nous découvrons cependant que l’une de ces curiosités historiques a attiré la convoitise de certains « pirates du patrimoine » qui l’ont dérobée en 1963, il s’agit de la Croix d’Orant qui fut retrouvée par la suite, ce qui a incité le maire de l’époque à la faire sceller au mur adjacent….

On l’aura compris, il s’agit d’une sorte de stèle funéraire à caractère religieux présumés faire référence au Catharisme si actif dans cette partie du Languedoc…. Un Orant (qui vient du latin « Orare » : prier) représente un personnage priant en position de génuflexion, avec les bras écartés ou levés parfois devant un prie-Dieu….

Mais, il est à présent l’heure de gagner le gîte, situé à l’écart de la rue principale, le long d’un chemin vicinal bordé de plusieurs jardins, il nous faut franchir un petit ponton qui enjambe le ruisseau du Marès et nous voici chez Isabelle, notre hospitalière du jour….