Boissezon (Tarn)

Boissezon (Tarn)

CINQUIEME EPISODE

BOISSEZON-CASTRES

LA COMPLAINTE TARNAISE

« Le Chemin est une alchimie du temps sur l’âme Â»

Jean-Christophe Ruffin

LE MATIN DES GEOGRAPHES

Tandis que Christèle est partie se renseigner Ă  la Mairie, je me dirige vers un large abri qui surplombe la rivière qui, contrairement Ă  ce que je croyais n’est pas l’AgoĂ»t mais un de ses affluents : la Durenque….

L’abri est un bâtiment fleuri qui est coiffé d’un toit élevé en tuile de pays agrémenté d’une série de bancs de bois qui laisse supposer que l’endroit est réservé aux quelques flâneurs ou autres amateurs de brins de causette toujours prompts à recueillir des faits divers croustillants qui alimentent la vie locale….

Un plan communal est apposĂ© sur un des pans du mur qui vante les capacitĂ©s touristiques de la commune : ses restaurants, ses commerces…Malheureusement, tout ceci est presque Ă  ranger au rayon des souvenirs…. Seuls subsistent encore une pharmacie, une charcuterie et une annexe de la Poste… Souvenirs, souvenirs….

D’ailleurs, c’est ce qui nous avait Ă©tĂ© prĂ©cisĂ© lors de notre dernier appel tĂ©lĂ©phonique : il y a belle lurette que les commerces et les administrations ont baissĂ© le rideau sur la commune….

En 1947, Jean François Gravier, un Ă©minent gĂ©ographe publiait « Paris et le dĂ©sert Français Â», un ouvrage majeur qui eut un grand retentissement Ă  l’époque et qui fut certainement Ă  l’origine des premières rĂ©formes rĂ©gionalistes opĂ©rĂ©es en France dans les annĂ©es 60, ancĂŞtres de la loi sur la DĂ©centralisation de 1982…

Boissezon pourrait ressembler Ă  ces nombreux villages de la « France PĂ©riphĂ©rique Â» ceux dĂ©crits par un autre GĂ©ographe contemporain, Christophe Guilluy dans son ouvrage-choc Ă©ponyme. Une Ă©tude pointue sur le constat d’une France qui serait Ă  prĂ©sent coupĂ©e en deux : l’une appartenant aux « mĂ©tropoles Â», prospères et peuplĂ©s d’habitants Ă©duquĂ©s, au pouvoir d’achat confortable et assurĂ©s d’un avenir stable Â» et l’autre, celle des « territoires Â» oubliĂ©s de la RĂ©publique dont beaucoup de « gilets jaunes Â» sont issus… : celle des banlieues dĂ©shĂ©ritĂ©es et des provinces excentrĂ©es grandes pourvoyeuses d’exode rural….

Concernant Boissezon, ce n’est pas tout à fait exact car ce bourg occitan n’est après tout qu’à une quinzaine kilomètres de Castres, métropole régionale qui a su préserver un dynamisme économique dont nous reparlerons ultérieurement et en outre, notre étape du jour est intégrée dans la vaste communauté de communes de Castres-Mazamet….

Ironie de l’Histoire, le village a comptĂ© parmi ses cĂ©lĂ©britĂ©s locales :  Vidal de la Blache, originaire de PĂ©zenas (HĂ©rault) et considĂ©rĂ© comme le « père de la GĂ©ographie moderne Â» au XIX e siècle, Ă  qui l’on doit notamment ces fameuses planches scolaires qui ornaient les murs de nos salles de classe, dĂ©crivant les mille et un atouts d’un pays qui s’étendait alors de Dunkerque Ă  Tamanrasset : rĂ©seau hydrographique, richesses industrielles et minĂ©ralogiques ou bien sĂ»r agricoles……

NĂ©anmoins, Boissezon a Ă©tĂ© victime de la dĂ©sindustrialisation massive qui s’est abattue sur la France dans le courant des annĂ©es 80 en gĂ©nĂ©ral et sur le Tarn et sa « force de frappe Â» en particulier : les mines, les tanneries, la mĂ©gisserie, porteuse de main-d’œuvre abondante ont Ă©tĂ© fortement impactĂ©es.  Ici, la fermeture de l’usine textile en 2001, souvent sacrifiĂ©e sur l’autel de la mondialisation et de la tertiairisation de l’économie ne s’en est pas relevĂ©e….

Au XIX e siècle, Boissezon comptait plus de 3000 âmes…On la surnommait la « Roubaix du Tarn Â» grâce Ă  cette industrie textile qui faisait la fiertĂ© de la commune, Ă  l’instar de sa voisine Anglès avec « sa scierie hydraulique » … A prĂ©sent, la Durenque qui arrose ces lieux en « friche Â» est redevenue une simple rivière paisible qui garde jalousement le souvenir amer d’un passĂ© glorieux se consolant en se proclamant la « Venise du Sidobre Â», les gondoles en moins….

Christèle ressort de la mairie…bredouille : il n’y avait personne dans les locaux administratifs bien que nous soyons rĂ©solument en « horaires de bureau » … La voilĂ  qui part dans une diatribe contre ce personnel communal invisible…quelques noms d’oiseaux circulent dans l’air Ă©touffant de ce milieu d’après-midi… Nous dĂ©cidons de retourner vers le gĂ®te que nous avons croisĂ© Ă  notre arrivĂ©e et d’appeler de facto une seconde interlocutrice prĂ©nommĂ©e Chantal qui s’occupe Ă©galement des lieux….

Le gîte de Boissezon

Le gîte de Boissezon

LE GITE

Quelques minutes s’écoulent avant que n’arrive Chantal : c’est une femme d’une soixantaine d’annĂ©es, implantĂ©e dans la commune depuis une quarantaine d’annĂ©es et oĂą elle n’a jamais cessĂ© d’être une des actrices majeures de la vie locale. Après avoir dirigĂ© avec son Ă©poux l’auberge du village pendant 34 ans, elle reste la gardienne du gĂ®te de Compostelle et continue de fournir des plateaux-repas aux pèlerins de passage… Encore rĂ©cemment, elle tenait l’unique Ă©picerie de Boissezon.

 Ce type de commerce local qui correspond Ă  une sorte d’épicerie-bar-journaux a Ă©tĂ© relancĂ© avec des chances de succès très mitigĂ©s dans beaucoup de localitĂ©s excentrĂ©es, victimes de l’attrait que suscitent les grandes surfaces qui se dĂ©veloppent autour des petites, moyennes et grandes villes.

Très peu rentables, ces magasins de « dĂ©pannage Â» (comme disent nos cousins QuĂ©bĂ©cois) peinent Ă  survivre sauf durant certaines pĂ©riodes exceptionnelles comme celle du premier confinement qui avait imposĂ© une sĂ©dentarisation des habitants du village. PrivĂ©s de dĂ©placement et ravis de dĂ©couvrir des produits de qualitĂ©, les clients promettaient dès lors de se fidĂ©liser Ă  ce type de commerce de proximitĂ© avant de se ruer de nouveau vers les temples de la sociĂ©tĂ© de consommation aussitĂ´t dĂ©crĂ©tĂ©e la levĂ©e du confinement…Exit les bonnes rĂ©solutions, comme celles que l’on fait gĂ©nĂ©ralement au Nouvel An. Depuis, l’épicerie a dĂ©finitivement fermé…

Mais Chantal Milhet n’est pas le genre de femme à être abattue par les rudesses de la vie sociale et économique, elle a décidé de continuer le combat même si celui-ci s’avère très compliqué. Elle va inaugurer d’emblée la série de portraits de femmes valeureuses et qui gagnent à être connues que nous allons avoir le privilège de pouvoir brosser tout au long de notre périple….

Ce gîte d’Etape a été créé il y a une vingtaine d’années, il comporte plus de quinze couchages, et s’il est surtout réservé aux pèlerins, il accueille également d’autres types de randonneurs ou des familles qui restent parfois le Week end voire la semaine pour profiter des richesses naturelles qu’offrent le Parc du Haut-Languedoc…

Nous pĂ©nĂ©trons dans le gĂ®te par la salle de sĂ©jour qui est situĂ© en fait au 1er Ă©tage par rapport Ă  la route. La pièce est très grande et une vaste table y trĂ´ne au milieu tandis qu’une cuisine se niche au fond de la pièce et fait exceptionnel dans ce genre d’hĂ©bergement un poste de tĂ©lĂ©vision a Ă©tĂ© installĂ©. Un gros vaisselier et une bibliothèque occupe le reste de l’espace, pas de doute l’endroit est aussi vaste que confortable mais une fois de plus, nous serons les seuls locataires des lieux pour cette nuit…….

Finie l’époque des Pèlerins qui voyageaient jadis incognito, comme Ă  l’accoutumĂ©e : nous remplissons les formalitĂ©s d’usage, renforcĂ©es en outre par les contraintes liĂ©es Ă  la crise sanitaire : nous devons dĂ©cliner notre identitĂ© et notre adresse et nos coordonnĂ©es tĂ©lĂ©phoniques…avant de faire tamponner notre crĂ©denciale (ou en ce qui me concerne, ce qui en fait office : une simple feuille de papier).

Contrairement Ă  ce qui s’est produit Ă  Anglès, les conditions d’hygiène et de sĂ©curitĂ© sont beaucoup mieux respectĂ©es : nous portons tous le masque, respectons les distances de sĂ©curitĂ© et nous voyons priĂ©s de laisser nos sacs dans cette pièce tandis que nos chambres sont situĂ©es au 1 er Ă©tage….

Chantal nous accompagne au 2 -ème étage, nous empruntons une cage d’escalier Cathédrale ornée de jolies boiseries murales au vernis impeccable qui donne à l’endroit un côté presque majestueux qui rappellent plus un hôtel trois étoiles qu’à un gite d’étape…

L’étage donne donc sur un vaste couloir qui permet d’accéder à quatre ou cinq chambres composées de lits superposés ainsi qu’une salle de bains assez spacieuse….

Boissezon, vue sur le clocher...

Boissezon, vue sur le clocher...

UN VILLAGE OCCITAN

D’une des fenĂŞtres de la pièce, on a une jolie vue sur ce village occitan dont l’origine du nom est assez mĂ©connue, certains prĂ©conisent qu’il s’agirait d’un lieu « entourĂ©e de buis Â» du fait de son Ă©tymologie « Buxus Â» mais rien n’est moins sĂ»r. L’église qui domine les lieux Ă©tait naguère l’emplacement d’un château fortifiĂ© qui fut Ă©rigĂ© par le Vicomte Tancravel, appartenant Ă  une famille très influente dans la province, alliĂ©e au Comte de Toulouse et au roi d’Aragon qui furent des acteurs majeurs de la Croisade des Albigeois…

Rappel des faits : entre 1209 et 1229, une Croisade de l’Eglise Catholique se mit en quĂŞte d’éradiquer l’HĂ©rĂ©sie, souvent connue sous le nom de Catharisme, ce mouvement ChrĂ©tien mĂ©diĂ©val en dissidence avec le reste de l’Eglise de France, en fait un danger pour la cohĂ©sion du Royaume : les raisons religieuses invoquĂ©es au dĂ©part vont au fil du temps devenir royales, donc au profit de la couronne de France. Les pays de cette partie de l’Occitanie perdent leur souverainetĂ©, et, avec le traitĂ© de Corbeil signĂ© entre Jacques 1er d’Aragon et Louis IX (Saint-Louis) en 1258, la frontière au sud du royaume sera fixĂ©e pour quatre siècles.

A cette époque, la France récupéra une partie de l’actuelle Languedoc-Roussillon mais renonça à ses prétentions sur la Catalogne. Amusant de constater qu’au XXI e siècle, un député de la circonscription où fut signé cet accord, ancien Premier Ministre de surcroit partit à la reconquête de la capitale Catalane mais avec l’insuccès que l’on connait….

Au cours des annĂ©es 60, une nouvelle conscience rĂ©gionale s’est rĂ©veillĂ©e avec l’Occitanisme, un mouvement politique mais Ă©galement culturel (avec la renaissance de la langue Occitane, mise sous le boisseau par une Education nationale Jacobine et surtout soucieuse d’uniformiser la pratique du Français sur tout le territoire, durant une grande partie du XX e siècle) …. Aujourd’hui, le drapeau occitan, le bilinguisme dans la signalĂ©tique des panneaux et des rues ou le fait d’entonner le « Se Canto Â» sont ancrĂ©s dans l’inconscient collectif….

Ainsi, Boissezon, aujourd’hui simple étape sur la Voie d’Arles aura donc été au cours de l’histoire, un des témoins privilégiés de cette terre de Languedoc, théâtre des affrontements entre les Huguenots et les Catholiques mais également entre le choc des différentes composantes de la Chrétienté sur fond de conquête de territoires….

Les toits du village

Les toits du village

L’AUBERGE DE CHANTAL

Il est l’heure d’aller chercher notre panier repas…. Nous retraversons la rue qui mène jusqu’à l’auberge. Nous constatons que plusieurs maisons sont à vendre et que d’autres ont déjà les volets fermés…

Située au centre du bourg, non loin du Monument aux Morts (où l’on peut constater une fois de plus que beaucoup d’enfants de la Commune ont payé un lourd tribut à la Grande Guerre), l’ancienne auberge surplombe la Durenque que l’on pourra contempler du haut de son balcon…. Une rivière qui a d’ailleurs largement débordée au printemps dernier, provoquant des torrents de boue qui ont assez fortement endommager les environs….

Le restaurant s’appelait « les deux Mousquetaires Â» Cela m’amenant Ă  me poser la question suivante : « mais oĂą est donc passĂ© le troisième » ? Ce qui fait sourire Christèle, dont le nom de famille est Dumas….

Chantal nous fait rentrer dans son auberge et nous dĂ©couvrons l’ancienne grande salle de restauration aujourd’hui reconvertie en simple lieu de sĂ©jour…. Notre plateau-repas n’est pas encore prĂŞt, son mari, « le Chef Â» qui continue donc Ă  allumer chaque soir ses fourneaux et qui finit justement de confectionner notre diner dans la cuisine…. Nous patientons sur le balcon qui devait Ă©galement ĂŞtre une annexe extĂ©rieure de la salle….

Le plateau repas est finalement prĂŞt et Ă  première vue, il est plutĂ´t variĂ© mais copieux : lĂ©gumes, charcuterie, dinde : une vraie collation pour routier :  c’est clair on ne restera pas sur notre faim…

C’est vrai, ce plateau est aussi dĂ©licieux que visiblement trop copieux et pas forcĂ©ment question pour nous confectionner un « Doggy bag Â» pour le lendemain, de façon Ă  ne pas trop charger notre sac….

Saint Philippe

Saint Philippe

BALLADE DE SOIREE

Pas question non plus ce soir, de faire un « Boissezon by night Â» juste une « petit tour Â» en soirĂ©e car nous devrons partir plus tĂ´t demain matin afin d’éviter l’erreur commise la veille Ă  Anglès, mĂŞme si le trajet Ă  effectuer ne comptera que quinze petits kilomètres jusqu’à Castres. Presqu’une promenade de santé….

En outre, il ne faut pas nier le risque de forte chaleur qui menace la région et qui risque de perdurer encore quelques temps, d’où un sentiment plus nuancé quant à l’apparente facilité du trajet de demain…

Il est environ vingt heures et le village est seulement animé par quelques badauds solitaires que nous croisons et par le cri de quelques enfants qui jouent sur la place de la Mairie….

Nous décidons de grimper en direction de l’Eglise que nous voyions depuis le gîte…et comme je l’ai déjà précisé, l’édifice religieux est bâti sur le site de l’ancien Château…. La route défile en lacets et s’avère plutôt pentue laissant découvrir un beau panorama sur le village qui donne l’impression d’être paisiblement niché dans une cuvette cernée par la forêt et où parfois des ilots d’habitations se sont imposées sur des collines abruptes….

Le déclin démographique de Boissezon n’est pas uniquement dû à l’exode rural ou à l’inexorable désindustrialisation mais également à une amputation de son territoire au cours des XIX e et XX e siècle au profit des communes voisines de Noailhac qui fut créée pour l’occasion en 1926 ainsi que celle de St Salvy de la Balme, située au nord….

Nous arrivons à la hauteur de l’Eglise dédiée à St Jean Baptiste…qui jouxte une petite esplanade où trône le tombeau familial d’une grande famille de la région… Sur une des façades de l’Eglise (que nous ne pourrons visiter pour cause de fermeture), je découvre creusée dans une niche, la statue de Saint Philippe, originaire de Galilée et qui fut un des Douze Apôtres du Christ, parti évangéliser la Grèce et l’Asie Mineure avant de connaître un destin tragique à Héliopolis, où il sera lapidé puis crucifié….

Il est aujourd’hui le Saint-Patron des Pâtissiers et des Chapeliers et est fĂŞtĂ© conjointement le 3 mai avec Saint-Jacques. Certains s’étonnent de cette cohabitation sur le calendrier. Mais de quel Jacques parle-t-on ? En fait, pas celui que l’on croit, en l’occurrence le Majeur qui nous accompagne sur cette variante de la Route de Compostelle mais plutĂ´t Jacques le Juste qui serait le frère occultĂ© de JĂ©sus…

La vĂ©racitĂ© de son existence serait confirmĂ©e par des chercheurs en thĂ©ologie qui avancent mĂŞme que le Christ aurait eu plusieurs frères et sĹ“urs mais ces prĂ©sumĂ©s derniers auraient disparu au fil du temps de la version officielle de l’Eglise…. L’Ecrivaine et AcadĂ©micienne Goncourt, Françoise Chandernagor confirme Ă©galement cette thèse dans un de ses ouvrages :

"Saint-Jacques Ă©tait le frère de JĂ©sus. L’aĂ®nĂ© des frères, JĂ©sus Ă©tant Ă©videmment l’ainĂ© de sa fratrie. Il est devenu Ă  la mort de JĂ©sus le premier Ă©vĂŞque de JĂ©rusalem, si l’on peut employer le mot. En somme : le premier pape, puisqu’il n’y avait pas encore de chrĂ©tiens en dehors de JĂ©rusalem. 

Un siècle plus tard, quand les juifs de Jérusalem et les judéo-chrétiens ont été détruits par les Romains, qui les ont éliminés progressivement, l’Eglise de Rome a repris le flambeau. L'Eglise de Rome était gênée par l’existence des frères. Progressivement, on a déplacé Jacques, en l’obligeant à partager sa fête avec Philippe l’apôtre, sur lequel on ne sait quasiment rien du tout. Tout cela pour ne pas faire d’ombre à Jésus."

En sortant de l’esplanade, on peut encore grimper jusqu’au fameux Militarial, une sorte de MĂ©morial de la Paix, Ă  l’instar de celui qui existe Ă  Caen (Calvados), créé par un mĂ©decin Tarnais et qui remĂ©more les conflits meurtriers du XX -ème siècle : ceux de la Grande Guerre, surnommĂ©e « la Der des Der Â» et de « la Seconde Guerre Mondiale Â» sans oublier les guerres coloniales (Indochine, AlgĂ©rie) ….

Après ĂŞtre redescendu Ă  la hauteur du bourg non loin des bords de la Durenque, une stèle en l’honneur de Jean Jaurès a Ă©tĂ© Ă©difiĂ©e. Le village rend hommage Ă  cet enfant du Tarn (il est nĂ© Ă  Castres en 1859 et mort assassinĂ© Ă  Paris le 31 juillet 1914 et qui fut dĂ©putĂ© du Tarn mais dont nous reparlerons de cette figure majeure du dĂ©but du XX -ème siècle lors de notre Ă©tape dans sa ville natale. Il sera un personnage rĂ©current prĂ©sent sur notre trajet, Ă  l’instar de Riquet, le crĂ©ateur du « Canal du Midi Â» qui nous avait dĂ©jĂ  fait un clin d’œil lors de notre arrivĂ©e Ă  BĂ©ziers….

Les mûres ont des oreilles

Les mûres ont des oreilles

En outre, il ne faut pas nier le risque de forte chaleur qui menace la région et qui risque de perdurer encore quelques temps, d’où un sentiment plus nuancé quant à l’apparente facilité du trajet de demain…

Il est environ vingt heures et le village est seulement animé par quelques badauds solitaires que nous croisons et par le cri de quelques enfants qui jouent sur la place de la Mairie….

Nous décidons de grimper en direction de l’Eglise que nous voyions depuis le gîte…et comme je l’ai déjà précisé, l’édifice religieux est bâti sur le site de l’ancien Château…. La route défile en lacets et s’avère plutôt pentue laissant découvrir un beau panorama sur le village qui donne l’impression d’être paisiblement niché dans une cuvette cernée par la forêt et où parfois des ilots d’habitations se sont imposées sur des collines abruptes….

Le déclin démographique de Boissezon n’est pas uniquement dû à l’exode rural ou à l’inexorable désindustrialisation mais également à une amputation de son territoire au cours des XIX e et XX e siècle au profit des communes voisines de Noailhac qui fut créée pour l’occasion en 1926 ainsi que celle de St Salvy de la Balme, située au nord….

Nous arrivons à la hauteur de l’Eglise dédiée à St Jean Baptiste…qui jouxte une petite esplanade où trône le tombeau familial d’une grande famille de la région… Sur une des façades de l’Eglise (que nous ne pourrons visiter pour cause de fermeture), je découvre creusée dans une niche, la statue de Saint Philippe, originaire de Galilée et qui fut un des Douze Apôtres du Christ, parti évangéliser la Grèce et l’Asie Mineure avant de connaître un destin tragique à Héliopolis, où il sera lapidé puis crucifié….

Il est aujourd’hui le Saint-Patron des Pâtissiers et des Chapeliers et est fĂŞtĂ© conjointement le 3 mai avec Saint-Jacques. Certains s’étonnent de cette cohabitation sur le calendrier. Mais de quel Jacques parle-t-on ? En fait, pas celui que l’on croit, en l’occurrence le Majeur qui nous accompagne sur cette variante de la Route de Compostelle mais plutĂ´t Jacques le Juste qui serait le frère occultĂ© de JĂ©sus…

La vĂ©racitĂ© de son existence serait confirmĂ©e par des chercheurs en thĂ©ologie qui avancent mĂŞme que le Christ aurait eu plusieurs frères et sĹ“urs mais ces prĂ©sumĂ©s derniers auraient disparu au fil du temps de la version officielle de l’Eglise…. L’Ecrivaine et AcadĂ©micienne Goncourt, Françoise Chandernagor confirme Ă©galement cette thèse dans un de ses ouvrages :

"Saint-Jacques Ă©tait le frère de JĂ©sus. L’aĂ®nĂ© des frères, JĂ©sus Ă©tant Ă©videmment l’ainĂ© de sa fratrie. Il est devenu Ă  la mort de JĂ©sus le premier Ă©vĂŞque de JĂ©rusalem, si l’on peut employer le mot. En somme : le premier pape, puisqu’il n’y avait pas encore de chrĂ©tiens en dehors de JĂ©rusalem. 

Un siècle plus tard, quand les juifs de Jérusalem et les judéo-chrétiens ont été détruits par les Romains, qui les ont éliminés progressivement, l’Eglise de Rome a repris le flambeau. L'Eglise de Rome était gênée par l’existence des frères. Progressivement, on a déplacé Jacques, en l’obligeant à partager sa fête avec Philippe l’apôtre, sur lequel on ne sait quasiment rien du tout. Tout cela pour ne pas faire d’ombre à Jésus."

En sortant de l’esplanade, on peut encore grimper jusqu’au fameux Militarial, une sorte de MĂ©morial de la Paix, Ă  l’instar de celui qui existe Ă  Caen (Calvados), créé par un mĂ©decin Tarnais et qui remĂ©more les conflits meurtriers du XX -ème siècle : ceux de la Grande Guerre, surnommĂ©e « la Der des Der Â» et de « la Seconde Guerre Mondiale Â» sans oublier les guerres coloniales (Indochine, AlgĂ©rie) ….

Après ĂŞtre redescendu Ă  la hauteur du bourg non loin des bords de la Durenque, une stèle en l’honneur de Jean Jaurès a Ă©tĂ© Ă©difiĂ©e. Le village rend hommage Ă  cet enfant du Tarn (il est nĂ© Ă  Castres en 1859 et mort assassinĂ© Ă  Paris le 31 juillet 1914 et qui fut dĂ©putĂ© du Tarn mais dont nous reparlerons de cette figure majeure du dĂ©but du XX -ème siècle lors de notre Ă©tape dans sa ville natale. Il sera un personnage rĂ©current prĂ©sent sur notre trajet, Ă  l’instar de Riquet, le crĂ©ateur du « Canal du Midi Â» qui nous avait dĂ©jĂ  fait un clin d’œil lors de notre arrivĂ©e Ă  BĂ©ziers….

LE REVEIL

Il est six heures quinze lorsque le rĂ©veil sonne. Il ne fait pas encore tout Ă  fait jour… Nous prenons rapidement notre petit-dĂ©jeuner et finissons de boucler notre sac…

Nous quittons le gîte un peu avant huit heures, le village est encore plongé dans une brume matinale, comme c’était déjà le cas lors du départ initial à la Salvetat… Le Centre du village est encore endormi et nous empruntons de nouveau une partie de l’itinéraire emprunté lors de notre balade digestive de la veille, c’est-à-dire celle qui grimpe vers l’église....

Nous continuons derechef Ă  arpenter une petite route forestière tandis que nous surplombons un torrent coiffĂ© d’une vĂ©gĂ©tation sauvage composĂ©e d’arbrisseaux et de buissons… Christèle a ouvert la marche, avançant toujours d’un pays toujours rĂ©gulier et rythmĂ© par le murmure de la pointe de ses bâtons tandis que les premiers rayons d’un soleil qui s’annonce gĂ©nĂ©reux commencent Ă  transpercer le frĂŞle feuillage des conifères…. 

Nous avons rejoint ce plateau du Sidobre que nous avions abandonnĂ© lors de notre arrivĂ©e de la veille, sur une sorte de chemin de crĂŞte toujours gĂ©nĂ©reux Ă  procurer le plaisir des yeux : d’abord la vision d’un environnement bucolique, composĂ© de prairies dans lesquelles nous dĂ©couvrons un troupeau de vaches qui broutent tranquillement.

C’est également le retour de ces multiples bosquets de houx et de landes de bruyères que nous avions déjà croisés auparavant sans oublier les sempiternels chemins caillouteux…….

En arpentant ce qui semble être le chemin du Galinié, nous avons l’impression de nous trouver au milieu de nulle part, hormis la ligne d’horizon qui nous laisse deviner au loin, les reliefs encore embrumés de la Montagne noire….

Nous sommes en fait sur le territoire de la commune de Noailhac et nous pénétrons dans un hameau composé de quelques fermes. En bonne gourmande, Christèle fait une micro-pause pour se ravitailler en mûres sauvages jalousement agrippées à un mur de ronces qui se présentent à nous à la sortie du lieu-dit….

Il est près de 11 heures quand nous dĂ©cidons de faire une pause casse-croĂ»te Ă  la hauteur du Hameau du Castelet, Ă  l’intersection d’un chemin menant Ă  un domaine Ă©ponyme assez luxueux proposant des chambres d’hĂ´tes et une restauration de qualité….  En ce qui nous concerne, nous grignotons notre reliquat du repas copieux d’hier…sans oublier de nous dĂ©saltĂ©rer et bien sĂ»r « d’aĂ©rer Â» nos pieds après nous ĂŞtre dĂ©lester de nos sacs mĂŞme s’ils nous paraissent moins lourds qu’hier….

Nous ne traînons pas trop car le soleil commence à taper et nous comptons bien arriver dans le centre de Castres avant treize heures… Nous reprenons donc la route et ne tardons pas à arriver au hameau du Clot, situé non loin de St Hyppolite qui appartient déjà à l’agglomération Castraise…

Sur le bord de la route, plusieurs espèces d’agaves ont été plantées à même un talus, faisant humer au lieu un doux parfum d’exotisme et procurant une curiosité certaine du promeneur plus enclin à trouver ce type de plantes dans le sud-ouest du continent américain que sur cette parcelle occitane….

Nous entrons ensuite dans Saint-Hyppolite, commune de Castres, comme le stipule le panneau indicateur… Au loin, nous découvrons partiellement quelques bribes de l’agglomération Castraise qui s’éparpille sur une vaste plaine…. Nous amorçons une longue descente qui devrait nous mener vers les faubourgs de la ville….

Les Agaves

Les Agaves

LES FAUBOURGS DE CASTRES

Il est presque midi et demi et il fait de plus en plus chaud, lorsque nous empruntons la route de Saint-Hyppolite…qui est censée de nous mener au Centre-ville…Nous passons devant un Centre Hospitalier puis nous continuons notre chemin, c’est-à-dire une interminable rue composée de vastes zones pavillonnaires et d’usines dont certaines sont visiblement fermées…

Christèle Ă©voque le souvenir de son arrivĂ©e Ă  Burgos (Espagne) lorsqu’elle effectuait le « Camino FrancĂ©s Â» il y a quelques annĂ©es avec la traversĂ©e d’une immense et nĂ©anmoins interminable zone industrielle, zone de « supplice Â» pour le pèlerin qui la foule, apercevant au loin les « flèches Â» de la magnifique CathĂ©drale qui veillent sur un cĹ“ur de ville au riche passĂ© historique…

Castres est l’unique sous-prĂ©fecture du Tarn (après la suppression des arrondissements de Lavaur et Gaillac lors de la rĂ©forme territoriale de 1926), elle compte 42 000 habitants, talonnant Albi (46 000 habitants), chef-lieu du Tarn et Ă©ternelle rivale depuis qu’elle lui souffla la place de PrĂ©fecture lors de la crĂ©ation des dĂ©partements en 1790.

Sa communautĂ© d’AgglomĂ©ration qu’elle partage avec Mazamet avoisine les 90 000 habitants, ce qui en fait la première du dĂ©partement. Les deux communes distantes de 20 kms, au glorieux passĂ© industriel qui s’est peu Ă  peu Ă©tioler dans le courant des trente dernières annĂ©es ont donc dĂ©cidĂ© de mutualiser leurs ressources afin de crĂ©er cette unitĂ© urbaine qui en fait la mĂ©tropole du Sud du dĂ©partement, appartenant Ă  un triangle Albi-Castres-Toulouse…cette dernière, nouvelle capitale de la RĂ©gion Occitanie (issue pour rappel des anciennes rĂ©gions Midi-PyrĂ©nĂ©es et Languedoc Roussillon) est Ă  75 km d’ici….

A l’instar de BĂ©ziers, Castres est une terre de Rugby pour certains d’entre vous, amoureux de l’Ovalie…, c’est aussi une ville de garnison depuis la RĂ©volution Française oĂą elle a accueilli autant de Hussards, que de Dragons, que d’Artilleurs et Ă  prĂ©sent les Parachutistes d’infanterie de Marine appartenant au 8è RPIMA, fiertĂ© de la ville depuis son implantation en 1963 et qui demeure en première ligne sur les théâtres d’opĂ©rations militaires les plus sensibles comme en Irak ou en Afrique subsaharienne….

Mais Castres s’est surtout considérablement développée dans le courant de la seconde moitié du XIXe siècle, devenant un des plus grands pôles de l’industrie textile, de la faïencerie mais également des constructions mécaniques (fonderies, pompes industrielles ou chaudières) ….

La sous-préfecture reste cependant un centre économique dynamique grâce notamment aux laboratoires pharmaceutiques Pierre Fabre devenues le plus gros employeur et surtout la nouvelle fierté de la ville.

Créée en 1962 par un pharmacien de Castres (son officine existe toujours non loin de la Place Jean Jaurès), la sociĂ©tĂ© est devenue un groupe international avec plus de 11 000 salariĂ©s… (dont près de 2 500 dans le Tarn) …elle est surtout spĂ©cialisĂ©e dans le mĂ©dicament de prescription et la dermato-cosmĂ©tique….

Pierre Fabre (1926-2013) fut donc une figure locale de premier plan et resta fidèle Ă  sa ville malgrĂ© sa rĂ©ussite fulgurante. Devenu milliardaire, il crĂ©a une fondation qui porte son nom et diversifia Ă©galement ses activitĂ©s dans le secteur de la Presse quotidienne rĂ©gionale, de la radio et bien sĂ»r en prĂ©sidant le Castres Olympique, club de rugby qui remporta deux boucliers de Brennus sous son mandat…. Comme on pourrait dire Ă  Castres : God bless Rugby and Pierre Fabre……

Un petit mot sur Mazamet, deuxième ville de l’agglomération mais que nous ne traverserons pas durant notre périple, de même que nous ne ferons qu’apercevoir la Montagne Noire qui domine cette petite cité Castraise au riche passé industriel.

Comme Castres, elle connut son apogĂ©e Ă©conomique du milieu du XIX e siècle Ă  l’orĂ©e des annĂ©es 80 et sa rĂ©putation dĂ©passa le simple cadre rĂ©gional, Ă©tant connue dans le monde entier comme grand centre de dĂ©lainage, cette technique de traitement des peaux de moutons via le Â«  procĂ©dĂ© de l’échauffement Â» mais Ă©galement de la mĂ©gisserie qui concernait le tannage des peaux d’ovins et de caprins destinĂ©s notamment Ă  l’industrie de la chaussure ou de l’habillement…

La fermeture des manufactures a causĂ© une chute assez brutale de sa dĂ©mographie, passant de 16 000 habitants intra-muros en 1970 Ă  moins de 10 000 de nos jours, en tenant compte cependant d’un reflux de population vers la pĂ©riphĂ©rie…

MalgrĂ© tout,  la ville a connu son « quart d’heure de cĂ©lĂ©britĂ© Â» le 17 mai 1973 en faisant participer l’intĂ©gralitĂ© de ses habitants Ă  une grande cause nationale : la prise de conscience en faveur de la SĂ©curitĂ© routière. Il s’avère qu’à cette Ă©poque, le nombre de victimes de la route Ă©tait Ă©gale Ă  la population de Mazamet : 16 600 morts !

L’opĂ©ration fut filmĂ©e par la Première ChaĂ®ne de l’ORTF (future TF1) et sa diffusion fit l’effet d’un Ă©lectrochoc : durant un quart d’heure, la ville Ă©tait devenue « morte Â» : plus aucune activitĂ© : ni commerce, ni administration, ni Ă©cole, ni usines et chacun des habitants couchĂ©s sur toutes les artères de la ville……rappelant Ă  certains des Ă©pisodes tragiques de notre histoire……

Castres-Le Parc urbain

Castres-Le Parc urbain

LE PARC

Nous avons marchĂ© environ 5 heures depuis notre dĂ©part de Boissezon et ce dernier tronçon jusqu’au centre-ville nous semble aussi monotone qu’interminable mais la relative pĂ©nibilitĂ© est surtout liĂ©e Ă  une chaleur de plus en plus Ă©touffante sans aucune possibilitĂ© d’ombrage… Nous dĂ©cidons de « sortir Â» du chemin classique pour trouver un raccourci via le dĂ©dale des rues…. C’est bien connu, comme pour les embouteillages, il y a toujours des raccourcis qui finissent par. …rallonger….

Après une déambulation quelque peu pifométrique, nous arrivons cependant à l’orée d’un parc urbain qui jouxte l’avenue Charles de Gaulle dans un quartier plutôt résidentiel…Nous décidons de faire une ultime pause avant de pouvoir regagner le Centre-ville….

Nous parvenons ensuite aux abords d’une vaste Place dĂ©nommĂ©e Soult qui est très animĂ©e, ce qui n’est peut-ĂŞtre pas anormale Ă  cette heure de la journĂ©e : on y recense plusieurs terrasses de restaurants et de cafĂ©s…. Nous avons au dĂ©part l’intention de nous poser lĂ  pour l’heure du dĂ©jeuner mais nous changeons d’avis, prĂ©fĂ©rant arriver le plus tĂ´t possible Ă  bon port…Avec nos dĂ©gaines de routards : sac Ă  dos chargĂ©s, grosses chaussures de marche et bâtons de pèlerins, nous ne passons pas inaperçus, certains tĂ©moins attablĂ©s nous regardent mĂŞme avec une pointe d’étonnement ou de compassion, on ne sait pas trop….

LA VENISE DU TARN

Une dizaine de minutes plus tard, nous nous approchons enfin de ce qui nous parait être le Centre-ville…Nous franchissons un pont qui enjambe l’Agoût, cette rivière que nous avions perdue de vue depuis La Salvetat… D’une longueur de 194 km, elle prend sa source dans le Parc du Haut-Languedoc pour rejoindre le Tarn dont il est un affluent, à quelques cinquante kilomètres en aval de Castres à la hauteur de Saint-Sulpice de la Pointe et s’avère donc être un sous-affluent de la Garonne….

Ici, des deux cĂ´tĂ©s de la rivière, une magnifique perspective s’offre Ă  nous : celle des nombreuses maisons mitoyennes Ă  plusieurs Ă©tages qui se reflètent dans l’AgoĂ»t. D’une architecture variĂ©e, mariant aussi bien le bois que la brique ou la tuile, les fenĂŞtres que les balcons fleuris, elles donnent une majestĂ© certaine Ă  l’endroit et l’on a vraiment envie de jouer les contemplatifs quelque temps face Ă  cet ensemble urbain bâti au moyen-âge et qui fut la rĂ©sidence des artisans (tanneurs, taillandiers, etc…) qui profitaient de la proximitĂ© du fleuve pour exercer leur activité….

Passé cet intermède rêveur, nous tentons de trouver l’Office de Tourisme que nous trouvons assez facilement car il se trouve tout prêt, non loin de la Cathédrale mais nous découvrons porte close, il n’ouvre qu’à quatorze heures… Nous nous dirigeons alors vers la Place Jean Jaurès….

LA PLACE JEAN JAURES

C’est probablement le cĹ“ur de ville de Castres avec la statue de Jean Jaurès qui a Ă©tĂ© Ă©rigĂ©e sur la partie droite de la place. Issu d’une famille bourgeoise locale (son père Ă©tait nĂ©gociant en draperie), le glorieux « enfant du pays Â» fut donc une figure incontournable de la vie politique française sous la III -ème RĂ©publique

Brillant élève, il est reçu Major à l’Ecole Normale Supérieure où il a pour condisciple Henri Bergson et en sort troisième juste derrière celui-ci… Les deux hommes, tous deux agrégés de Philosophie, entameront une carrière dans l’enseignement scolaire et universitaire pour Jaurès et au Collège de France pour Bergson.

Les deux hommes, liĂ©s par une amitiĂ© qui ne faiblira pas seront pourtant adversaires au niveau idĂ©ologique, notamment sur la question religieuse et sur la politique… Une opposition qui peut rappeler deux figures majeures de la vie intellectuelle au XXe siècle : Jean Paul Sartre et Raymond Aron, Ă©galement camarades de promotion, rue d’Ulm….

Jaurès dĂ©laisse l’enseignement pour devenir le plus jeune dĂ©putĂ© de France en 1885, il deviendra un des « architectes Â» du Socialisme naissant (la future SFIO qui ne disparaitra qu’au dĂ©but des annĂ©es 1970) liĂ© Ă  l’émergence d’une puissante classe ouvrière se substituant lentement mais sĂ»rement au monde agricole…

Engagé plus que jamais, il prend la défense des Mineurs de Carmaux (au cœur de sa circonscription électorale) et soutient leur grande grève, revendiquant de meilleures conditions de travail et surtout un statut social plus protecteur…

En outre, Jaurès choisira le camp des « Dreyfusards Â», cette affaire d’espionnage vivant le Capitaine Dreyfus, officier d’origine IsraĂ©lite, sur fond d’antisĂ©mitisme et qui coupa la France en deux au dĂ©but du XX e siècle…

Il sera Ă©galement homme de presse en crĂ©ant en 1904, un journal pour dĂ©fendre les idĂ©es socialistes : « L’HumanitĂ© Â» (qui deviendra l’organe de presse du Parti Communiste naissant après le Congrès de Tours en 1920).

Fervent partisan de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, il est un des acteurs majeurs de la loi qui sera votée en 1905 et qui demeure un sujet brulant jusqu’à nos jours, comme nous avons pu le voir très récemment…...

Un des derniers combats de ce « rĂ©formiste Â» dans l’âme sera son implication dans un mouvement Pacifiste, voulant Ă  tout prix Ă©viter un premier conflit mondial, en voulant rĂ©veiller les consciences et provoquer des grèves gĂ©nĂ©rales Ă  travers l’Europe….

En vain, cet ultime combat politique sera brisĂ© le 31 juillet 1914 : Jaurès est assassinĂ© par un militant nationaliste, Raoul Villain au « CafĂ© du Croissant Â» Ă  Paris. La « Grande Guerre Â» Ă©clatera bien avec les profondes sĂ©quelles qu’elle laissera par la suite… Son propre fils, Louis, engagĂ© volontaire en 1917 tombera d’ailleurs au « Champ d’honneur Â» en mai 1918…Disparu Ă  seulement 55 ans, Jean Jaurès aura droit Ă  l’hommage de la Nation tout entière lors de son entrĂ©e au PanthĂ©on en 1924….

Place Jean-Jaurès, c’est jour de marchĂ© mais il est plus d’une heure et demie de l’après-midi et les exposants commencent Ă  remballer leurs Ă©tals, les cafĂ©s et restaurants sont bien remplis, nous sommes bien au « cĹ“ur de la ville Â», il va ĂŞtre l’heure de regagner notre gĂ®te situĂ© en principe non loin de notre actuel point d’ancrage… Christèle consulte son topo-guide oĂą figure l’adresse de notre lieu d’hĂ©bergement…..je vois soudain se dĂ©composer le visage de ma voisine : en fait, le gĂ®te n’est pas du tout situĂ© en ville mais dans un hameau qui se trouve Ă  près de quatre kilomètres d’ici…..

Qu’allons-nous faire, rebrousser chemin ? Ou bien rester en ville, en optant pour l’hĂ´tel ? Après un rapide conciliabule nous prenons la deuxième option car l’idĂ©e de repartir avec notre « barda Â» en plein « cagnard Â» ne nous sĂ©duit absolument pas….

Christèle appelle aussitĂ´t la propriĂ©taire du gite pour lui annoncer que nous dĂ©clinons notre nuitĂ©e, elle tombe sur un rĂ©pondeur et ne tarde pas Ă  trouver un gentil bobard pour s’excuser :

« Je vous appelle pour vous annoncer que nous ne viendrons pas ce soir, car mon ami s’est cassĂ© la jambe lors de la descente vers Castres, et comme vous pouvez le comprendre, pour nous le Chemin est termin酠» A peine son portable raccrochĂ©, Christèle glousse, fière de son mensonge Ă©hontĂ© mais salvateur… telle une assistante de direction qui appellerait la femme de son patron pour lui dire que celui est retenu en otage par son personnel alors qu’il fait un « cinq Ă  sept Â» en galante compagnie….

Il ne nous reste plus qu’à trouver un hôtel au cœur de cette bonne ville de Castres….

Les Maisons sur l'Agoût

Les Maisons sur l'Agoût