AFIN QUE NUL N'OUBLIE

Editorial du 9 mai

Afin que nul n’oublie, c’est indéniablement la raison fort louable du maintien de cette cérémonie patriotique qui célèbre le 78ème anniversaire de la Capitulation de l’Allemagne Nazie, responsable d’un épouvantable conflit planétaire qui causa la mort de 50 millions de victimes voire de bien plus, civiles comme militaires.

Au fil du temps qui passe inexorablement, ce devoir de mémoire reste important car le nombre d’acteurs et d’actrices de cette période tragique de l’Histoire se font de plus en plus rares, voire sont sur le point de disparaitre, du fait de leur grand âge.


On peut parfois le constater chez certains de nos contemporains et pas forcément les plus jeunes, les raisons de la célébration de ce jour du 8 mai restent floues sinon qu’il s’agit d’un jour férié s’accumulant à d’autres en ce mois de mai.


A dire vrai, même pour ceux qui savent, contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas d’un jour rappelant l' armistice, comme ce fut le cas pour le 11 novembre 1918 mais bien comme cité plus haut, celui de la Capitulation de l’Allemagne Nazie entrainant de facto, la fin du Troisième Reich.

En outre, la date du 8 mai peut également prêter à confusion : en fait, l’acte de reddition fut signé une première fois le 7 mai à 2h41 dans une salle d’un collège technique de Reims (Marne) entre les forces alliées représentées par le chef d’Etat Major du Général Eisenhower, le Général Smith (USA), Souslaparov (Représentant sur place de l’URSS), Sevez (Chef d’Etat-Major du Général de Gaulle) et le Général Jodl (pour  le Haut-Commandement des Forces Allemandes).


Mais Staline, ulcéré que l’acte de capitulation ne soit pas signé à Berlin, symbole de la chute du Nazisme grâce à l’occupation de ses troupes, exigea ainsi une deuxième signature, ce qui se produisit le lendemain 8 mai au Quartier Général de l’administration militaire Soviétique, situé dans la banlieue Est de la ville allemande.

Parmi les co-signataires on peut citer à la tête de la délégation Allemande , le Maréchal Keitel, côté URSS, le Maréchal Joukov, côté Royaume-Uni, le Marechal Tedder tandis que la France était représentée par le Général De Lattre de Tassigny (qui sera promu Maréchal de France à titre posthume)…

 

Pour cause de décalage horaire avec la Russie, c’est finalement la date du 9 mai qui fut retenue en URSS, devenant à l’époque comme désormais en Russie, la fête du jour de la Victoire contre le Nazisme., comme on a pu le voir sur la Place Rouge, avec un Vladimir Vladimirovitch Poutine, moins fanfaron que l’an passé, du fait de l’enlisement du conflit Russo-Ukrainien, fustigeant sans vergogne au passage l’Occident, « l’allié d’hier », l’accusant d’être « l’agresseur de la Russie avec la volonté de la détruire…

Quoiqu’il en soit, on sait que la Seconde Guerre mondiale n’a pas cessé pour autant le 8 ou le 9 mai 1945 mais plutôt en septembre de la même année, avec la capitulation du Japon.


En France, cette célébration du 8 mai a connu de nombreuses péripéties : elle fut d’abord jour férié entre 1953 et 1959, puis fut supprimée entre 1975 et 1981 par Valéry Giscard d’Estaing, pour cause de renforcement de l’amitié Franco-Allemande (et mais qui provoqua un grand émoi parmi les anciens combattants, encore très nombreux à l’époque).

Elle sera finalement rétablie par François Mitterrand et redeviendra d’ailleurs jour férié dès 1981.

Un 8 mai 1945 célébré dans une France victorieuse qui s’étendait alors de Dunkerque à Tamanrasset, cinq après avoir subi une des plus humiliantes défaites militaires de son histoire.


Pourtant, ce même jour de l’autre côté de la méditerranée, au cœur de l’Algérie Française, une manifestation organisée à l’occasion de l’évènement dans le département de Constantine, autour de Sétif et de Guelma, mais où était également représentés de nombreux militants indépendantistes et nationalistes.


On connait la suite : la manifestation dégénéra et fit de très nombreuses victimes, annonçant les prémices de la future guerre d’indépendance, qui se déclenchera en 1954.


Un autre 8 mai, celui-ci en 1954 fut le jour suivant la reddition de l’armée Française face au Viet-Minh après la très longue bataille de Dien Bien Phû, marquant ainsi la fin de la présence française en Indochine…


Aujourd’hui, malgré la persistance de ce devoir de mémoire, on a pu voir récemment les hommages rendus à de grandes figures de la Résistance, dont celle de Jean Moulin, symbole de cette unification de « l’armée des ombres » et annonciateur du Conseil national de la Résistance, qui a tragiquement disparu il y a 80 ans.


Cependant, beaucoup d’entre nous s’inquiètent de la pérennité de ces cérémonies au vu de la disparition progressive des anciens combattants, y compris à présent ceux d’Indochine et d’Algérie et de la difficulté des associations à entretenir la mémoire, faute d’adhérents, les obligeant à fusionner voire à disparaitre tout simplement.


Afin que la flamme ne s’éteigne pas de sitôt sous l’Arc de triomphe ou que les gerbes de fleurs posées sur les monuments aux morts ne disparaissent de la belle mort, il est clair qu’un nouvel entretien de la « mémoire » soit entretenu sous une autre forme, associant beaucoup plus les générations nouvelles et de célébrer en outre comme on commence à le faire, les combattants des nouveaux conflits (Balkans, Liban, Afghanistan, etc…)  qui malheureusement continuent à sévir sur notre planète, afin que nul n’oublie le sacrifice passé de ces soldats de l’ombre, connus ou inconnus….

Philippe Dupont