Mon village à l'heure du patrimoine 

Les plus beaux villages de France

Nous sommes à Collonges la Rouge (Corrèze) dans les années 60.  C'est un paisible village de moins de 500 habitants situé à vingt kilomètres au Sud-Est de Brive-la-Gaillarde.  Un soir d'hiver sous le crachin, un habitant de la commune, Charles Ceyrac, agriculteur de son état, vient de mettre à l'abri son bétail lorsqu'il surprend un homme coiffé d'un grand chapeau et vétu d'un manteau de berger qui se tient immobile  sous la halle du bourg qui l'interpelle : «Eh! I'ami, voulez-vous écouter les bruits et les silences de Collonges...?»


Charles Ceyrac accepte l'invitation et écoute avec son hôte inconnu la pluie qui ruisselle sur les toits ainsi que  les chiens qui aboyent au loin.  Puis il entend avec lui l'Angélus et enfin le silence pour finalement déclarer quelques minutes plus tard  à son interlocuteur qu'il est le maire de la commune, ce qui rend  plus que confus l'inconnu amoureux de cet environnement. Un inconnu qui n'est autre que le philosophe Maurice Clavel qui lui confie venir ici au moins deux fois par an.


Ce bel hommage rendu à ce village aux batisses de grès rouges, aux ruelles et venelles tortueuses et niché au coeur d'un vallon verdoyant ne laisse pas insensible le maire de la commune qui n'hésitera pas à évoquer plus tard cet épisode qui a  en partie contribué à lancer cette belle aventure de l'association des "Plus beaux villages de France", dont le but est bel et bien de remettre en valeur ce patrimoine rural unique mais souvent ignoré que l'on peut contempler à travers toute la France...


Charles Ceyrac est un véritable enfant du pays, sa famille est établie ici depuis le Moyen-Age. Son frère François n'est autre que le président du CNPF au cours des années 70 (ancêtre du Medef) lui-même présidera aux destinées de la commune pendant trois décennies, tout en devenant Député UDR de Corrèze (suppléant du Maire de Brive et Ministre, Jean Charbonnel) entre 1968 et 1978.

Un jour,  alors qu'il se trouve à Paris,  il découvre un ouvrage exposé à la vitrine d'une librairie et qui a pour titre "Les plus beaux villages de France" avec Collonges la Rouge en photo !

Cela lui donne alors l'idée de remettre en valeur tous ces villages au patrimoine si riche mais qui souffrent souvent d'appartenir à des territoires ruraux  oubliés, en souffrance économique car à l'écart des métropoles. Il décide alors de créer une association afin de fédérer cette promotion des villages.


Le maire de Collonges la Rouge écrit à tous les maires figurant dans l'ouvrage "les plus beaux villages" pour leur proposer de le rejoindre et un très grand nombre d'entre eux le suivront dans l'aventure et c'est  donc en 1982 que l'association des "Plus beaux villages de France"  voit le jour et dont Charles Ceyrac devient le premier président et qui le restera jusqu'en 1996. La première assemblée générale se tient à Salers (Cantal), l'équivalent auvergnat de Collonges, connu pour sa race bovine et dont les ruelles pittoresques ont  été le lieu de tournage de "la Cité de l'indicipline peur" de Jean Pierre Mocky.


Quarante ans après, l'association compte plus de 170 membres répartis à travers la plupart des régions françaises mais toutefois une grande majorité, près d'une centaine sont situés au sud de la Loire, notamment en Occitanie, en Nouvelle-Aquitaine et en Provence Alpes Côte d'Azur tandis qu'un seul village se situe en Ile de France (La Roche-Guyon) .


Les conditions pour adhérer à l'association sont assez drastiques et doivent répondre à des critères bien définis: avoir une population inférieure à 2 000 habitants et posséder plusieurs sites classés . En outre, l'adhésion n'est pas définitive, suite à des contrôles de conformité effectués par les permanents de l'association, des villages peuvent être déclassés voire partir d'eux-mêmes...



Il est clair que le voeu initial de Charles Ceyrac de faire sortir les villages de l'anonymat et de leur donner un second souffle a été en grande partie exaucé comme cela peut également être le cas pour des restaurants étoilés situés dans des endroits reculés: une forme de prestige et de notoriété amènent de nombreux curieux, parfois trop, dira-t'on, transformant certaines rues principales jadis desertes en artères bondées de touristes. En parallèle, l'émission animée par Stéphane Bern sur France 2: "Le village préféré des Français" croise souvent celui de l'association mais en propose également d'autres tout en renforçant cet appétit de découverte des territoires...

C'est vrai que la découverte de ces villages constitue souvent un moment de bonheur procurant le sentiment d'être un spectateur priviligié dans un décor de théâtre à l'air libre et dégageant une atmosphère envoûtante lorsqu'on effectue une visite nocturne à travers des ruelles ou venelles suffisamment éclairées pour garder leur part de mystère, comme l'avait constaté auparavant Maurice Clavel (qui avait élu domicile  jusqu'à sa mort en 1979 au pied de la Colline Eternelle de Vézelay, village membre) 


De jour, elle nous confirme l'exceptionnelle richesse patrimoniale de la France et dont la variété notamment architecturale, historique et bien sûr géographique constituent des atouts majeurs. D'une région à l'autre, ce constat est confirmé, que l'on se trouve à St Cirq Lapopie (Lot), Gerberoy (Oise), Noyers (Yonne), Flavigny sur Ozerain (Côte-d'Or), Monpazier (Dordogne), Pérouges (Ain), Conques (Aveyron), Piana (Corse), Roussillon (Vaucluse), Angles sur l'Anglin (Vienne) ou encore Chateau-Chalon (Jura)....

Saint Suliac (ille et vilaine)

Charles Ceyrac (décédé en 1999), a présidé aux destinées de l'association jusqu'en 1996, avant d'être remplacé par Maurice Chabert, le maire de Gordes (Vaucluse, un village prisé des artistes et d'un ancien Président de la République, François Mitterrand) jusqu'en 2020, date à laquelle Alain Di Stefano, maire délégué de Yèvre le Châtel (Loiret, à quelques kilomètres de Pithiviers) à repris le flambeau afin de pérenniser cette belle aventure.....

Noyers (Yonne)

Conques (Aveyron)